J’ai pris récemment connaissance de la création de la Chaire Unesco Bernard Maris qui
a pour ambition de mettre les sciences économiques en démocratie. Pour
développer cette approche, une Conférence de citoyens sur l’économie est
organisée. Elle a pour objet de produire une « Adresse citoyenne aux
économistes », rendue publique le 30 avril 2016, lors de la cérémonie qui
annoncera le nom du premier lauréat de la Chaire. Le panel citoyen est composé
de 20 citoyens et un appel à candidature a été lancé. J’y ai répondu. Vous
trouverez ma lettre de motivation ci-après.
Je voulais vous faire part de ma
consternation à la lecture de votre éditorial (voir en annexe) paru dans le numéro 38 de La
Revue. Elle est à la hauteur de l’enthousiasme que j’ai ressenti en découvrant
récemment votre mensuel qui me paraissait différent de tout ce que l’on pouvait
lire par ailleurs. Sous prétexte de « l’urgence d’agir », vous tombez
dans les pires travers de tous ces éditorialistes de cour qui, au nom des
"nécessaires réformes" – concept ressassé jusqu’à l’écœurement par
toute l’élite des biens pensants, comme une vérité révélée qu’il ne serait pas
nécessaire ni d’expliquer ni de justifier –, nous promettent du sang et des
larmes comme seul horizon à terme. Votre analyse qui repose sur « l'examen des chiffres de l'économie »
par les « observateurs les plus
avisés » (sic), au-delà du fait qu’elle ressemble à s’y méprendre à un
argument d’autorité, prêterait à rire si la situation n’était pas si tragique. Il
existe d’autres solutions que « convaincre
les Français de la nécessite de vraies et douloureuses réformes » ou
que « renoncer, fût-ce partiellement
et pour un temps, aux avantages acquis ». Il faut pour cela reprendre
le contrôle de notre destinée et notamment de notre monnaie. Mais il y a un
préalable incontournable : comprendre comment fonctionne réellement notre
système monétaire basé sur le crédit.
« Lénine avait certainement
raison : " Il n’y a pas de moyens plus subtils, plus sûrs de miner les bases existantes de la
société que de vicier sa monnaie. Le procédé
engage toutes les forces cachées des lois économiques dans le sens de la destruction,
et il le fait d’une manière qu’aucun
homme sur un million ne peut déceler.
" »
Cité par J.M.Keynes. Essays in
Persuasion Joseph Tchundjang Pouémi Monnaie, Servitude et Liberté
J’ai déjà eu l’occasion de dire
sur ce blog tout le bien que je pensais du seul et unique ouvrage écrit par
l’économiste camerounais Joseph Tchundjang Pouemi intitulé "Monnaie,
servitude et liberté : la répression monétaire de
l’Afrique". Je ressentais néanmoins une certaine frustration due au fait
qu’il était très difficile d’obtenir des informations sur l’auteur qui semble
totalement inconnu en France. Grâce notamment à la puissance d’Internet, mes
recherches à ce sujet ont connu récemment des développements significatifs qui
me font poser la question : J.T.Pouemi ne serait-il pas, d’une certaine
manière pour l’Afrique, ce que Keynes fut pour le monde occidental ?
Mes activités professionnelles
m’ont permis de découvrir des pays aussi différents que l’Iran, les Émirats
Arabes Unis, la Malaisie, le Vietnam, la Chine ou encore dernièrement l’Inde.
Quelque soit le temps passé, de quelques jours à plusieurs années, je n’ai
jamais eu l’impression de situations désespérées dans aucun de ces pays. Ils connaissent
tous des modalités et des degrés de développement très différents, mais l’on
constate au minimum, une forme de progrès matériel, ne serait-ce par exemple, qu’au
niveau des infrastructures. Je me suis rendu récemment en Afrique – en Angola
et au Nigeria – et le constat est tout autre. Le sous-développement et la
pauvreté sautent aux yeux et l’observateur de passage se demande bien comment
la situation pourrait évoluer positivement dans le futur. Les questions qui
viennent alors à l’esprit sont : Comment expliquer cette situation
désastreuse qui parait assez générale sur le continent noir ? L’Afrique
trouvera-t-elle un jour le chemin de la prospérité ? Et question,
subsidiaire : Peut-on apporter des réponses réalistes à ces interrogations
légitimes, sans être aussitôt accusé de franchir les limites de ce que l’on
appelle le politiquement correct ?
J’ai déjà eu l’occasion de parler
du livre remarquable sur la monnaie écrit par Joseph Tchundjang Pouemi,
économiste Camerounais, disciple de Maurice Allais. Il y développe le concept
de lamonnaie, « bien vide » dont la
création précède la production et qui se transforme en revenu, en« bien remplit ». Le continent Africain m’était
totalement inconnu jusqu’à un récent voyage en Angola qui m’a fait prendre
conscience physiquement de la réalité de ces pays. J’ai toujours eu beaucoup de
difficultés à comprendre pourquoi, malgré les nombreuses richesses naturelles
détenues par certains, ils ne parvenaient pas à atteindre un état de
développement économique satisfaisant. Au-delà des réponses incomplètes,
simplistes ou caricaturales, Tchundjang Pouemi réussit en quelques lignes , à proposer une réponse globale. Elleintègre tous les aspects de la question,
qu’ils soient historiques ou politiques, endogènes ou exogènes et elle met
l’accent sur le rôle majeur de la monnaie.
C’est un
texte récent introduisant la saison IV d’HORIZONS qui m’a poussé à formuler
une idée qui me trotte dans la tête depuis pas mal de temps : il est peu
probable que je vois, de mon vivant, des
changements –positifs – notablesdans les affaires du monde. Comme l’explique Malakine,
la révolution mondiale, ce n’est pas pour tout de suite. Les privilégiés qui
nous gouvernent ont donc encore de beaux jours devant eux et ce n’est pas
demain que nous parviendrons, par exemple, à arraisonner la finance. Ce triste constat étant fait on
peut, soit retourner se vautrer devant TF1 – ou alternativement se jeter par la
fenêtre – soit trouver, malgré tout, des raisons d’espérer. J’en vois au moins trois deux:
Il y a une multitude de façons
d’appréhender le concept de la monnaie et d’expliquer les mécanismesdonnant lieu à sa création et à son
fonctionnement. Joseph Tchundjang Pouemi, dans un ouvrage dont j’ai parlé dans un
billet précédent, propose une description tout à fait pertinente qui a
l’avantage, me semble-t-il, d’être facilement compréhensible par le commun des
mortels grâce à son caractère imagé, pratique, presque intuitif. Il semble que
l’économiste africain ait parfois fait appel au conteur africain et à ses
"talents pédagogiques ancestraux",
comme suggéré dans la préface, pour nous faire partager ses convictions que je
vais essayer de résumer dans ce qui suit. On y parlera de monnaie mais aussi
d’épargne et d’investissement.
« Si
curieux que cela puisse paraître, le métier de banquier, c’est celui qui au
départ demande le moins d’argent, précisément parce qu’il en fabrique »