Si je souhaitais faire dans la provocation – ce qui est contraire à mes principes – je citerais sans plus de précautions le Général De Gaulle qui, en Juillet 1962, déclarait à Alain Peyrefitte : « Le malheur, c’est que les Africains ne s’aiment pas entre eux ». Cela permettrait d’expliquer en partie les divisions qui minent le continent, à l’origine de tant de tragédies. Mais citer De Gaulle ainsi, c’est prêter le flanc à des accusations pas très sympathiques. Aussi vais-je immédiatement faire référence à Joseph Tchundjang Pouemi, économiste Camerounais, disciple de Maurice Allais, dont j’ai eu l’occasion de parler à plusieurs reprises sur ce blog. Je reproduis ici une longue citation que j’ai déjà publiée mais qui me parait toujours aussi essentielle, trente ans après avoir été écrite :

« De l’Afrique, l’Histoire retiendra qu’après avoir été vidée de sa population la plus saine pour développer le Nouveau Monde, elle a fait l’objet d’un partage à Berlin et que le pacte colonial qui la livrait en morceaux au monde « civilisé » l’a meurtrie politiquement, humiliée moralement et appauvrie économiquement pendant trois quarts de siècle. Mais que, à cause des divisions internes, le réveil du lion africain qu’appelait l’empereur Haïlé Sélassié à la naissance de l’Organisation de l’unité africaine n’a pas eu lieu, et que dans un monde en profonde mutation, où les pays les plus puissants se regroupent pour élargir leurs marchés et produire à grande échelle, l’Afrique se désagrège à la cadence des égoïsmes de micro-Etats dont aucun, pas même le Nigeria, ne peut valablement affronter la compétition économique internationale. L’histoire retiendra que de l’Ethiopie à l’Afrique du sud en passant par le Zimbabwe, vingt ans après la libération d’une fraction importante de sa terre, l’Africain de 1980 est encore, au mieux, étranger chez lui. L’histoire retiendra que ceux de ses fils qui ont tenté de la faire respecter ont péri l’un après l’autre par des mains africaines, sans avoir le temps de la servir. L’histoire retiendra aussi que, pour ainsi l’asservir, l’instrument à varié dans le temps : le colon aventurier, le missionnaire, le militaire, l’administrateur, le mercenaire, le coopérant technique, l’expert en développement. Elle devrait retenir qu’un seul instrument, plus puissant, n’a pas changé de nom : la monnaie. »

Énormément de choses sont dites en peu de mots. On notera que le constat du Général est conforté par l’économiste qui parle de divisions internes, d’égoïsme et de meurtres fratricides. L’avantage c’est que, venant d’un africain, il y a un certain nombre de reproches qui ne pourront être  faits à ces propos, évitant ainsi une pollution inutile du débat. On pourra donc estimer que, sur ces sujets, le point de vue d’un De Gaulle n’est pas nécessairement à rejeter, et l’on sera en mesure de considérer sans sur-réagir la citation qui suit et qui propose une explication – éminemment politiquement incorrecte de nos jours – aux problèmes de l’Afrique:

« Vous croyez que je ne le sais pas, que la décolonisation est désastreuse pour l’Afrique ? Que la plupart des Africains sont loin d’être arrivés à notre Moyen Age européen ? Qu’ils sont attirés par les villes comme les moustiques par les lampes, tandis que la brousse retournera à la sauvagerie ? Qu’ils vont connaître à nouveau les guerres tribales, la sorcellerie, l’anthropophagie ? Que quinze ou vingt ans de tutelle de plus nous auraient permis de moderniser leur agriculture, de les doter d’infrastructures, d’éradiquer complètement la lèpre, la maladie du sommeil, etc. C’est vrai que cette indépendance était prématurée ! C’est vrai qu’ils n’ont pas fait encore l’apprentissage de la démocratie ! Mais que voulez-vous que j’y fasse ? Les Américains et les Russes se croient la vocation de libérer les peuples colonisés et se livrent à une surenchère ».

Je vais faire un parallèle que je sais osé et qui peut paraitre bien stupide naïf, tant mes maigres compétences en Histoire me disqualifient pour discourir sur ces sujets de manière pertinente, mais est-ce que la Gaulle serait devenue la France si les Romains étaient partis prématurément ? Ayant cette interrogation à l’esprit, je pose donc clairement la question : les malheurs de l’Afrique ne proviennent ils pas, en partie au moins, du fait que, la colonisation – que, disant cela, je ne considère évidemment pas comme une bonne chose mais plutôt comme un  état de fait – n’ait pas été, une fois commencée, menée à terme, comme le laisse entendre le Général De Gaulle?