Je commence par décrire le système « mondial » tel qu’il a été proposé par P. Davidson, et examine ensuite comment il pourrait être mis en œuvre progressivement. Je passe sous silence certains points techniques mineurs.

1) On institue un avoir de réserve le « IMCU » (International Money Clearing Unit) et une chambre de compensation. L’avoir de réserve est détenu par la chambre de compensation et les banques centrales nationales, mais pas par le public.

2) La banque centrale de chaque pays s’engage à céder sa monnaie contre des IMCU, et s’arrange pour fournir des devises étrangères à ses résidents en les achetant aux autres pays contre des IMCU. Il n’y a donc pas de problème de réserves de changes. Tous les déséquilibres en devises entre membres se constatent sur les comptes centraux en IMCU. Par ailleurs, les monnaies nationales n’étant convertibles qu’en IMCU, il n’y a plus de marché libre des changes entre toutes les devises. La seule spéculation qui reste possible est celle sur l’évolution du cours de chaque monnaie contre le IMCU. En tout cas les mouvements des devises nationales redeviennent contrôlables par le pays concerné.

3) Les taux de conversion initiaux entre le IMCU et chaque monnaie sont fixés par chaque pays, vraisemblablement au taux en vigueur. Les points 6 et 7 traitent de la révision de ces taux.

4) Les contrats entre agents économiques continuent de se régler en monnaies nationales, tel que permis par les lois locales et l’agrément des parties.

5) Une mécanique à seuil oblige un pays excédentaire à dépenser son excédent de 3 manières

- acheter des produits d’un autre pays,

- investir à l’étranger,

- fournir une aide financière directe à un pays débiteur (don).

Si ces excédents n’ont pas été dépensés ou donnés dans un temps prédéfini, alors la chambre de compensation confisque les dits excédents et les répartis entre les membres déficitaires.

Ce point est fondamental. Il assure qu’aucun pays, en épargnant trop, ne mette les autres en déficit et les force à freiner leur demande, déprimant ainsi la demande globale. De plus, il place la charge de l’ajustement sur le pays excédentaire.

6) Les taux de change entre les monnaies nationales et le IMCU sont fixes, mais on peut instituer un système de correction des taux de change qui reflète les variations de « salaire efficace » dans un pays, ou tout autre paramètre qui permet de conserver le pouvoir d’achat du IMCU dans le pays concerné. De cette manière tous les pays possédant des IMCU sont assurés que sa valeur ne se déprécie pas en terme de pouvoir d’achat dans les autres pays.

7) Si un des pays membres est au plein-emploi, et a un déficit persistant, c’est qu’il vit au dessus de ses moyens. Si c’est un pays pauvre, il peut être justifié de continuer à le subventionner. Mais si c’est un pays riche, c’est un « passager clandestin », et il est mis dans l’obligation de dévaluer sa monnaie par rapport au IMCU par palier, ce qui a pour effet de renchérir ses importations, de rendre ses exportations moins chères, et surtout de diminuer son revenu réel jusqu’à ce que sa balance commerciale soit équilibrée. Enfin, si le déficit des paiements persiste malgré une balance commerciale positive, alors c’est que la dette est trop importante et des négociations doivent s’engager pour faire cesser cette situation, soit par rééchelonnement, soit par moratoire partiel ou total.

Le système ci-dessus a les avantages suivants (en particulier il résout complètement les trois problèmes posés ci-dessus) :

1) Il empêche un défaut de demande globale causée par un pays qui accumule des réserves.

2) Il impose la responsabilité des ajustements aux pays en excédent.

3) Il supprime une grande partie des instabilités de spéculation.

4) Il donne a chaque pays le contrôle des mouvements de capitaux et l’autonomie de sa politique monétaire et budgétaire. Un pays peut faire une relance par tout moyen qui lui semble bon s’il est en sous-emploi.

5) Il empêche toute faillite, pour cause d’assèchement de devises, d’un pays qui a besoin de relancer son économie.

Ses inconvénients principaux sont que d’une part il est tout à fait contraire à l’orthodoxie de la communauté financière, d’autre part que c’est un système mondial. Mais rien n’empêche un groupe de pays de s’entendre pour mettre en œuvre le système entre eux. Vraisemblablement le IMCU resterait interne à l’association mais la chambre de compensation devrait alors gérer aussi le change avec les monnaies externes et servir alors de banque du commerce extérieur, avec une réserve des devises. Cette entreprise n’a donc de sens que si l’ensemble ainsi constitué a un certain poids sur les marchés mondiaux. Par exemple les pays de l’Euroland pourraient s’associer dans un tel schéma avec des cercles croissants de pays volontaires : d’abord les pays de l’Union Européenne extérieurs à l’euro, puis les pays candidats à l’UE, enfin les pays en développement. Faisant la preuve de son efficacité, le système s’étendrait peut-être ainsi progressivement au monde entier. En attendant, le poids commercial et financier des pays membres permettrait de limiter les problèmes dus au monde extérieur.