L’euro, accident de l’Histoire, associé à l’étalon-or, relique barbare, pour sauver le système monétaire international ?
Par RST le samedi, 20 juin 2009, 11:12 - Monnaie - Lien permanent
Sur "Le monde.fr" daté du 1er juin, Philippe Simonnot s’interroge avec raison: « Il y a quelque chose de tellement pourri au "royaume" de l'euro que l'on se demande par quelle aberration l'Europe s'est engagée dans la voie à sens unique de la monnaie unique. Peut-être y a-t-il une ruse de l'histoire dans ce cheminement calamiteux. Mais alors, quelle pourrait être la raison cachée de l'euro ? ». Il passe ensuite en revue un certain nombre de problèmes connus et propose une solution : le rétablissement de l’étalon-or qui, associé à l’ "avantage acquis" de l’euro – c’est à dire son indépendance du pouvoir politique – devrait permettre, selon lui, de « mettre fin au vice du système monétaire international ». Une fois de plus, nous sommes confrontés à ce qui semble être une constante chez les partisans de l’étalon-or, la fameuse "relique barbare", à savoir l’absence totale d’explications convaincantes permettant de justifier le passage de l’identification du problème (le fonctionnement de la monnaie) à la solution (le passage à l’étalon-or).
Tout d’abord, il convient de
répondre à la question de Simonnot sur la raison cachée de l’euro. Je ferai
pour cela appelle à Edouard Husson qui, lors du
colloque dont j’ai parlé dans un billet précèdent, a souligné que l’euro
ne s’était pas fait dans les années 80, malgré les promesses de Valéry Giscard
d’Estaing et que c’est la réunification
de l’Allemagne qui a provoqué sa création. Il a été fait en échange de cette
réunification, sur le modèle du Mark : c’est un accident de
l’Histoire ! Faut-il alors s’étonner dans ces conditions, comme l’explique
Simonnot, que l’instance économique prévue à l’origine dans le plan Delors pour
contrebalancer le pouvoir de la banque centrale ait été « oublié en route » ? Pas vraiment
puisque l’on peut imaginer que dans la précipitation et l’urgence du moment,
les questions qui fâchent aient été évacuées.
A propos de Delors, j’ai noté le
commentaire d’un intervenant du colloque selon lequel l’ancien président de la
Commission européenne pensait que l’Europe politique serait une conséquence de
l’Europe économique à échéance de 2 ou 3 ans. En supposant que cela eut
réellement été son sentiment, il est clair qu’il s’est trompé. Quant à ceux qui
imaginaient que la création d’une monnaie commune – qui, selon Simonnot,
n’était pas prévue par le traité de Rome de 1957 – faciliterait l’union politique, ils mettaient
tout simplement la charrue avant les bœufs : la monnaie est une
conséquence de l’union politique d’une communauté humaine, non un préalable.
Pour en revenir à l’étalon-or, comment peut-on envisager de lier la monnaie à une ressource rare dont les variations de niveau de production peuvent entrainer des fluctuations de la masse monétaire ? Comment régule-t-on ce phénomène et son impact sur la croissance ? De plus, et c’est Philippe Raphaël qui le rappelait, toujours pendant ce même colloque, l’étalon-or a le gros désavantage de fournir une rente de situation aux pays producteurs. Il me semble tout bonnement que ses partisans se trompent de siècle. Au lieu de regarder dans le rétroviseur de l’Histoire, ils feraient mieux de s’interroger sur les possibilités offertes par les technologies modernes comme Internet, pour développer des monnaies adaptées aux nouvelles exigences de notre temps plutôt que de s’entêter à lier le fonctionnement de l’économie à des minerais péniblement extraits du sous-sol .
En conclusion, l’article de Philippe Simonnot me parait intéressant à plusieurs égards, mais il pêche par la faiblesse des arguments présentés pour justifier de l’intérêt de l’étalon-or. Cela se résume, en gros, à dire que «L'histoire enseigne que la monnaie-papier n'est tout simplement pas viable à long terme ». Cette affirmation gratuite est loin de convaincre l’ignorant que je suis.