Philippe Villemus nous propose notamment une analyse détaillée du mode de fonctionnement très particulier du patronat français et de son système de rémunération que l’on peut comparer à un mille-feuille, tant les avantages accordés aux patrons sont nombreux, du salaire fixe aux stock-options en passant par le "golden hello"et autre parachutes dorés. Illustrant son propos d’exemple précis – le plus scandaleux étant peut-être Antoine Zacharias, ancien PDG du groupe Vinci dont l’avidité sans limite a été récemment condamnée par la justice – l’auteur nous explique les raisons de l’explosion de ce qu’il appelle les TTHR (très très hautes rémunérations, constituées d’environ un millier de personnes gagnant plus d’un million d’euros par an) durant ces dix dernières années, comme par exemple, l’accroissement de la taille des entreprises, la financiarisation de l’économie ou la compétition entre les PDG. P.Villemus démonte ensuite patiemment un à un tous les arguments invoqués pour justifier les salaires mirobolants de nos PDG qui vont du soi-disant marché international des dirigeants, à leur capacité unique de créer de la valeur ou à leur lourdes responsabilités pénales et civiles, toutes choses qui s’avèrent bien loin de la réalité.

Mais le plus intéressant reste à venir. Ce qui rend ce livre tout à fait original est la comparaison que nous propose l’auteur entre le système de rémunération des PDG et celui des stars du football. C’est cette comparaison qui lui permet ensuite d’apporter des éléments de réponse à la question fondamentale : qu’est-ce qu’une juste rémunération ? Je vous propose ci-après un extrait du livre qui résume bien les propos de l’auteur :

"Les grands footballeurs sont « très très bien rémunérés » parce qu’ils sont rares, qu’ils ont du talent, qu’ils sont utiles financièrement par l’actif qu’ils représentent et les recettes futures qu’ils peuvent générer, et surtout par le fait que leur valeur d’échange est « très très élevée » puisqu’ils sont des marchandises rares qui s’échangent entre grands clubs concurrents en Europe. Et que la demande de talents extraordinaires est supérieure à l’offre de talents extraordinaires.
Les patrons de grands groupes sont « très très bien payés » parce que les conseils d’administration ou de surveillance considèrent qu’ils « méritent » leurs émoluments. C’est moins l’utilité financière qui joue dans leur cas que le mode de fixation des gains, basé fréquemment sur le copinage, la course à la plus grosse, à la décision même du P-DG et, désormais, la coutume d’affirmer qu’un P-DG vaut plusieurs millions d’euros par an, quels que soient son mode de désignation, ses résultats, son secteur d’activité et le contexte macroéconomique et géopolitique. Drôle de mérite en vérité !
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On le voit donc, pour P.Villemus, si les salaires des footballeurs sont économiquement justifiés, il n’en est rien des salaires des PDG. D’un point de vue éthique cependant, et compte tenu des inégalités qui ne cessent de se creuser, ni les uns ni les autres ne devraient pouvoir gagner autant. Et l’auteur de faire en conclusion,  un certain nombre de propositions pour mettre fin à "l’aberration d’un système qui favorise la rareté sur l’utilité sociale, le diplôme sur la performance, la discrimination salariale sur le lien social, les inégalités d’un prétendu mérite sur l’altruisme et le partage", un système qui "tolère d’un côté, l’enrichissement outrancier de quelques stars privilégiées et, de l’autre, le développement  extraordinaire en Occident de la classe des travailleurs pauvres ou précaires"  Et parmi ces propositions il y a le SMAX, le salaire maximum. J’en avais déjà parlé ici et Nicolas Dupont-Aignan devait faire une proposition de loi dans ce sens. Je ne sais pas ce qu’il en est mais il est à souhaiter que ce sujet soit l’un des thèmes majeurs des élections présidentielles à venir. On peut toujours rêver !