Il y a des moments comme cela où
une idée qui vous trotte confusément dans la tête prend forme soudainement. C’est
ce qui s’est passé avec l’idée, abracadabrantesque diront certains, de revenu
maximum qui me turlupine depuis un certain temps maintenant. Au détour d’une
navigation sur le web, je tombe sur un
article de Jean Gadrey publié sur Alternatives
Economiques
qui explique que l’idée d’un
revenu maximum peut apparaître non seulement
comme une exigence morale, mais aussi comme l’une des voies de sortie des
crises majeures. A la satisfaction initiale de prendre connaissance d’un
article instructif, s’ajoute le plaisir de découvrir un
économiste semble-t-il atypique, puisqu’il réussit à concilier aussi bien son appartenance
à ATTAC que sa participation
à la
commission Stiglitz mise en place par Nicola Sarkozy et chargée de réfléchir
aux meilleurs indicateurs de bien-être. Petite digression : cette
commission sera-t-elle autre chose qu’un effet d’annonce ? L’avenir le
dira, théoriquement au printemps 2009.
Un des arguments les plus souvent
entendus pour démontrer l’impossibilité d’une telle mesure de limitation des
revenus est que cela découragerait l’esprit d’entreprenariat et serait un frein
à
l’apparition de grandes innovations.
Qui peut sérieusement croire que Bill Gates n’aurait pas développé Microsoft
sous le prétexte qu’il ne pouvait pas gagner plus de 30 fois le salaire
minimum ?
Combien d’inventeurs n’ont-ils
jamais tiré profit de leurs découvertes qui pourtant ont changé la vie de
millions de gens ? L'invention de l’hélice marine par exemple : que l’on en attribue la
paternité à J.Ressel, F.Sauvage ou J.Patch, aucun n’a fait
fortune. Et pourtant
l’hélice existe et
son utilisation a influencé de façon considérable la marche du monde.
Que les "libéraux" se rassurent, l’ambition et le potentiel de chacun pourront toujours se
développer librement dans un monde où
l’on pourra, par son mérite (en supposant que celui-ci puisse être
objectivement mesuré, ce qui reste encore à prouver), mieux réussir que le
voisin pour, ainsi, mieux gagner sa vie que lui … mais pas de manière
totalement indécente comme actuellement où les écarts de salaire peuvent être
de 1 à plusieurs milliers. Car là est bien le fond du problème : la totale
immoralité de la situation qui fait que certains gagnent en un an ce que
d’autres ne gagneront pas de toute leur vie. C’est une vraie violence qui se pare
de l’habit de la légalité mais qui reste une immense injustice que les
générations futures jugeront comme telle. Comme nous jugeons aujourd’hui l’esclavage
par exemple, pratique pourtant communément admise par le passé. Il est intéressant
de noter que c’est ce qui dit en substance, un texte d'inspiration chrétienne, publié dans 12 quotidiens français tels que Le Monde, Le Figaro, La Croix,
L'Humanité ou Le Parisien, et signé par des personnalités aussi diverses que Michel
Rocard ou Alain Juppé : "l’équité condamne une trop grande inégalité entre les revenus."
Et que l’on ne vienne pas rétorquer
que tout cela est bien bon mais que, malgré tout , ça reste du domaine de l’utopie et que
c’est impossible à mettre en place. C’est sûrement moins utopique que n’a pu
l’être l’idée de supprimer les privilèges avant le 4 août 1789 ou la possibilité d’avoir un président noir aux USA avant le 4
novembre 2008.
RST