Les développements de l’approche post-keynésienne offrent une alternative claire à l’approche orthodoxe néoclassique. Les premiers travaux post-keynésiens en théorie monétaire ont souligné le rôle de l’incertitude et se sont généralement plus concentrés sur la thésaurisation de la monnaie que sur sa « circulation » (la relation monnaie-dépense). Les post-keynésiens ont cependant toujours reconnu le rôle important joué par la monnaie dans « la théorie monétaire de la production » adoptée par Keynes à la suite de Marx. La théorie du circuit, principalement développée en France, apporte un beau contrepoids aux premières préoccupations post-keynésiennes sur la thésaurisation de la monnaie. Le développement majeur vint ensuite dans les années 1970 avec l’horizontalisme de Moore (quelque peu anticipé par Kaldor) qui souligne que les banques centrales ne peuvent pas contrôler les réserves bancaires de manière discrétionnaire. Les réserves doivent être « horizontales », offertes sur demande au taux au jour le jour (ou au taux des fonds fédéraux) fixé par la banque centrale. Cette analyse renverse la causalité du multiplicateur de dépôts des manuels qui doit aller des crédits aux dépôts, puis aux réserves.

Cela a directement conduit au développement de l’approche de la « monnaie endogène » déjà présente dans la littérature du circuit. On peut ainsi considérer que la création de la monnaie de crédit par les banques secondaires suscite une offre horizontale de réserves (plus exactement de monnaie centrale), bien qu’il n’y ait pas de ratio de réserves fixe. Certains post-keynésiens sont récemment retournés au Traité de Keynes et à la Théorie Monétaire de l’Etat de Knapp adopté par Keynes. Plutôt que d’imaginer une économie de troc qui découvre un moyen d’échange lubrifiant, l’approche néo-chartaliste insiste sur le rôle joué par l’Etat dans la désignation de l’unité de compte et dans la dénomination précise de la forme qui lui correspond (pièces, billets, compte courants, etc.). Les impôts (ou toute autre obligation monétaire imposée par les autorités) suscitent alors une demande pour cette forme de monnaie (money-thing), c’est-à-dire toute reconnaissance de dette libellée dans l’unité de compte. Les post-keynésiens n’ont ainsi pas besoin de l’approche orthodoxe du marché qui imagine une certaine utopie préexistante monétisée, libérée des mains malfaisantes du gouvernement. L’approche néo-chartaliste mène également parfaitement à l’approche de la finance fonctionnelle de Lerner qui refuse de faire une séparation stricte des politiques fiscales et monétaire. Le lien entre monnaie, dépenses gouvernementales et impôts est donc complexe. Cette approche rejette la « zone monétaire optimale » de Mundell tout comme l’approche monétaire de la balance des paiements. Il est impossible de séparer la politique fiscale de la souveraineté monétaire, ce qui explique que la règle « une nation-une monnaie » soit si rarement violée et que lorsqu’elle l’est, cela conduit au désastre (comme dans le cas récent de l’Argentine et, peut-être dans le futur cas de l’Union Européenne !)

A l’instar de Keynes, les post-keynésiens ont longuement souligné que le chômage dans les économies capitalistes est lié à leur caractère monétaire. Contrairement aux économistes orthodoxes , les post-keynésiens rejettent les analyses en terme de NAIRU ou de courbe de Philips selon lesquelles on doit accepter que le chômage soit « naturel », ou le prix de la lutte contre l’inflation. L’approche de la « finance fonctionnelle » de la monnaie et de la politique fiscale adoptée par certains post-keynésiens explique finalement pourquoi toute nation dotée d’une monnaie souveraine sera capable « d’offrir » le plein-emploi. Dans cette perspective, si l’on admet que le chômage n’existe que dans les économies monétaires, il ne doit pourtant pas y être toléré.