Théorie monétaire : séparer le bon grain de l’ivraie
Par RST le lundi, 29 septembre 2014, 21:30 - Monnaie - Lien permanent
J’ai donc visionné les 2 heures 44 du débat entre Etienne Chouard, Jean-Baptiste Bersac et Stéphane Laborde. Ma première surprise a été de constater que, malgré la longueur de la vidéo, le temps est passé très vite, preuve que ce débat présente un intérêt certain. Deuxième surprise, j’ai failli m’intéresser à la TRM, la Théorie Relative de la Monnaie, inventée et présentée par Stéphane Laborde. Je dis "failli" parce que, le naturel revenant au galop, Laborde a su se montrer assez odieux sur la fin du débat, poussé dans ses derniers retranchements et surtout dans ses contradictions, pour enlever à quiconque de raisonnablement constitué, l’envie de faire un effort pour le comprendre. Et ça tombe plutôt bien puisque, comme il le dit lui-même, il ne veut pas que les gens le suivent et il se fout de 2014, ce qui l’intéresse c’est la prochaine crise financière de … 2094 !
Tout le mérite revient donc à Etienne Chouard d’avoir, l’espace d’un instant, permis à Laborde de donner l’illusion qu’il avait quelque chose d’intéressant à dire et j’avoue honnêtement m’être laissé prendre. C’est en effet une des caractéristiques d’Etienne Chouard que d’être capable de parler à tout le monde, y compris à ceux qui ne partagent pas ses positions. C’est d’ailleurs ce qui lui a valu de violentes inimitiés de la part de certains, notamment à gauche, qui ne supportent pas que l’on ne pense pas comme eux et qui vous rangent illico presto dans le camp des fachos dès que vous deviez d’un millimètre de la ligne qu’ils ont fixée. Et pour parler à tout le monde, il faut, au minimum, faire preuve d’une certaine bienveillance vis-à-vis de son interlocuteur, le mettre en avant pour qu’il soit à son avantage. Et ça, Etienne Chouard le fait très bien. On sent, derrière son désir de comprendre, une véritable empathie pour les autres qui le rend vraiment attachant. A se demander d’ailleurs si il y a des gens qu’il n’aime pas ? Bref, pour en revenir à Laborde et à la TRM, disons que j’ai été intéressé par le concept de solidarité intergénérationnelle qu’il tente de mettre en œuvre, même si je n’ai pas compris comment cela fonctionnait et quel était l’intérêt pratique de ce qui constitue, au mieux une belle utopie à base de monnaie libre et de métaphore du type « Un arbre c’est fini pour autant l’arbrisseau n’est pas l’arbre », au pire une vaste escroquerie.
Et c’est bien le problème avec la
monnaie. Au-delà de la théorie dominante largement partagée mais qui a fait les
preuves de son inefficacité, on trouve de nombreuses théories plus ou moins
farfelues dont il est difficile d’extraire les plus sérieuses. Le
néochartalisme – dont Keynes fut un précurseur après Knapp – fait partie de
cette dernière catégorie. Je ne sais pas si les spectateurs non avertis auront
été convaincus par la prestation de Jean-Baptiste Bersac
et je ne suis pas en mesure de lui donner de "bons conseils pour améliorer
ses prestations orales" comme il le demande sur son blog. En effet, je
suis un converti, déjà totalement convaincu par le néochartalisme. Mais j’ai
apprécié les quelques rappels fondamentaux comme le fait que c’est le déficit
budgétaire qui crée la monnaie, que le taux d’intérêt sur la dette publique est
directement fixé par le taux directeur de la Banque Centrale ou que les
récessions ont systématiquement suivi les périodes où le budget de l’Etat était
excédentaire. J’ai été satisfait de l’explication proposée au sujet du rôle
d’employeur en dernier recours que peut jouer l’Etat. Mais cela suffira-t-il
pour convaincre ou tout au moins amener les gens à approfondir ?
L’exercice est difficile et ingrat. Comme le dit Etienne Chouard, la théorie
monétaire est un sujet fondamental et il faut fournir un travail personnel pour
comprendre. Je recommande donc, après le visionnage de la vidéo, le
livre de Bersac, « Devises – L’irrésistible émergence de la
monnaie », livre qu'il faut lire pour comprendre le néochartalisme... et le reste.