Un des grands mérites de ce pavé de quatre cent pages est de nous rappeler que le chartalisme n’est pas une nouveauté  – ses grands précurseurs furent Knapp et Keynes – ni une théorie très compliquée. Elle repose principalement sur la doctrine selon laquelle « la monnaie est typiquement une création de l’Etat ». De ce principe de base, on déduit naturellement  « comment le système post-étalon-or fonctionne vraiment et quelles sont les politiques publiques les plus appropriées en conséquence. Dont, l’inanité de l’austérité, la cruelle inutilité du chômage, du sous-emploi et de la précarisation de masse, l’absence de contraintes financières aux problèmes d’utilisation des ressources réelles par l’Etat, la différence fondamentale entre la devise et le crédit, la distinction entre le problème du commerce international et le problème de la monnaie, etc. » J.B. Bersac prend le temps de l’explication argumentée pour nous rappeler quelques vérités qui, chose étrange, ne font pas la une des manuels d’économie classique. Par exemple que « le taux d’intérêt décidé par la banque centrale (appelé taux directeur) dirige effectivement le taux d’intérêt exigé par les banques commerciales entre elles (taux interbancaire) mais aussi, fait primordial, le taux d’intérêt de la dette publique »  Et cela n’est pas le résultat de calculs alambiqués ou d’une théorie fumeuse mais … la réalité qui nous saute au visage à travers les graphiques proposés pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie, le Mexique, la Suède, la Nouvelle-Zélande ou le Japon. La preuve est faite de manière empirique que, dans le cas d’un Etat souverain maitrisant le contrôle de sa monnaie,  « les marchés sont disciplinés par l’Etat au point d’être des figurants quant à la dette publique. (…) L’Etat n’écoute pas à quel taux les épargnants acceptent de lui prêter, il dicte quel taux de rémunération il veut concéder à l’épargne qu’ils lui ont fourni ».  

Un autre mérite de ce livre tient dans la méthode utilisée par l’auteur qui, contrairement à beaucoup, ne prétend pas détenir la vérité absolue, mais la chercher en permanence. C’est ce qui l’a amené à étudier attentivement  l’ensemble des grands penseurs libéraux de Hayek à Friedman en passant par Smith pour ensuite en faire une critique, certes sans concession, mais constructive, originale et surtout légitime. Partant de là, ses conclusions ne consistent pas à nous imposer des solutions révolutionnaires à nos difficultés mais à voir dans quelle mesure, celles déjà  sur la table sont compatibles avec le néochartalisme : « Une question simple, concrète, permet de savoir si une personne est néochartaliste, peut-être par inadvertance, ou si elle est partisane de la mortelle austérité : Cette personne pense-t-elle que le solde du budget du gouvernement central doit être nul ou excédentaire, au moins à moyen-long terme ? Si oui, alors cette personne peut être un opposant aussi farouche au libéralisme qu'un marxiste orthodoxe, elle nous poussera malgré cela vers le désastre. Si la personne pense non, alors elle est néochartaliste, sans présumer de sa sensibilité. Elle peut être néochartaliste individualiste, préférant un revenu de base, néochartaliste communautaire, préférant un employeur en dernier ressort, néochartaliste conservatrice, préférant s'abstenir prudemment de toute tentative en dehors des éprouvés stabilisateurs automatiques sauf catastrophe majeure. Elle peut même être néochartaliste libérale, préférant fortifier le secteur privé par des déficits publics plutôt que de tout perdre par des mythes absurdes. Il existe des néochartalistes libéraux, mais il est impératif de s'en méfier »

Il n’est pas possible ici de faire la liste de tout ce qui rend cet ouvrage indispensable. Il  ne fait, ni plus ni moins, que nous montrer comment remettre la hiérarchie monétaire à l’endroit. A l’heure actuelle les financiers détiennent un monopole sur la banque centrale, le reste du secteur privé étant obligé d’emprunter auprès de ces financiers, et l’Etat à travers son  Trésor, de taxer ce secteur privé pour financer ses dépenses. Si nous suivons les préconisations du néochartalisme, l’Etat dépensera pour le reste du secteur privé, lui donnant ainsi un revenu, éventuellement ce secteur privé se fera crédit, et le secteur financier devra attirer l’épargne du secteur non financier pour financer le moindre prêt. Nous pourrons alors renouer avec la prospérité des Trente Glorieuses !