Paul Jorion : retournement de veste à l’horizon ?
Par RST le samedi, 28 septembre 2013, 13:42 - Polémique - Lien permanent
Il est important, afin d’être crédible et efficace, de reconnaître les qualités, les points forts et les réussites de ceux dont on combat les idées. Je reconnais donc que Paul Jorion a réussi à devenir ce que certains n’hésitent pas à qualifier d’"idôle des alters" ce dont-il n’est visiblement pas peu fier. Il a aussi finalement décroché une chaire à la Vrije Universiteit Brussel, subventionnée par ceux-là même qu’il prétend combattre. Son blog est le numéro un pratiquement incontesté du classement Ebuzzing. Bref, la petite entreprise Jorion prospère et l’homme a maintenant acquis la reconnaissance tant recherchée. Il doit cependant s’assurer que tout ce qu’il a patiemment bâti ne s’écroule pas prématurément. Doit-on donc voir dans le dernier texte sur la monnaie publié par notre gourou préféré, une tentative de redresser la barre au sujet de son délire sur le fonctionnement de la monnaie, afin de ne pas partir en tête à queue et mettre ainsi en péril son nouveau statut si chèrement acquis ?
On croyait le débat tranché une
bonne fois pour toute de son côté, notre Galilée belge ayant établi – envers et
contre tous – que les banques commerciales ne créaient pas de monnaie.
Prétendre le contraire ne pouvait être selon lui que le fait de dangereux
individus d’extrême droite propageant une légende urbaine. Or ne voila-t-il pas
que, à notre grand étonnement, il remet le sujet sur la table en rallumant le
débat sur le fameux principe – communément admis par pratiquement tout le monde
sauf lui – que « les crédits font les dépôts ». On sent bien à
travers son discours ampoulé et ses métaphores gallinacées que notre homme se
rend confusément compte qu’il se trompe quelque part. Mais comment le
reconnaître maintenant franchement sans mettre en cause toute sa
crédibilité ? Ce n’est évidemment pas possible. Il faut donc agir en
douceur, en préparant le terrain. Il reconnaît tout d’abord que tout bien
considéré, il y a du fond quelque part dans le principe mentionné plus haut,
même si le sujet ne passionne, selon lui que les financiers débutants (et les
lecteurs de son blog à en juger par les milliers de pages produites lorsque le
débat y était encore tant bien que mal toléré). Il trouve ensuite un nouveau bouc
émissaire, les partisans de l’étalon or, moins ridiculement polémique que les
fachos. Il enrobe enfin le tout avec des questions dont il fait les réponses
(fausses) et le tour est joué. Bref, il met de l’eau dans son vin, essaye de
détourner le débat et démine au maximum le terrain en vue d’un inévitable
retournement de veste indispensable pour ne pas sombrer définitivement dans
l’anonymat et/ou le ridicule. Seul l’avenir dira si cette stratégie peut
fonctionner, en espérant néanmoins que le charlatan soit finalement débusqué.
Deux remarques pour finir et illustrer les doutes et les erreurs flagrantes de Jorion. La première c’est que, comme me l’a fait remarquer un ami très cher – qui se fera connaître dans les commentaires si il le souhaite – on sait très bien maintenant qui de la poule et de l’œuf était là en premier : c’est l’œuf. La démonstration a été énoncée par John Brookfield de l'Université de Nottingham, spécialiste en génétique évolutive, et David Papineau, philosophe des sciences du King's College de Londres. La deuxième remarque concerne la possible prise de conscience de Jorion. Dans son texte il se demande « si les dettes entre particuliers se règlent en argent, en quoi les dettes entre un particulier détenteur d’argent et la banque centrale se règlent-elles ? » En or répond-il. Ce n’est pas tout à fait faux en réalité, sauf que l’or a aujourd’hui été remplacé par la monnaie banque centrale et que donc ces dettes se règlent en monnaie banque centrale. Jorion serait-il en train de découvrir le fonctionnement du système bancaire dit fractionnaire ? C’est fort possible et cela confirme bien le retournement de veste en cours et sa stratégie préparatoire.