Pourquoi les crises reviennent toujours
Par RST le dimanche, 3 janvier 2010, 10:54 - Notes de lecture - Lien permanent
Le livre de Paul Krugman intitulé
"Pourquoi les crises reviennent toujours" (nouvelle édition mise à
jour) est un ouvrage qui se lit très facilement. Le propos est clair, précis et
compréhensible pour le profane qui aura l’agréable impression d’être devenu
soudainement plus intelligent. On y découvrira rien de fondamentalement
nouveau, spécialement si l’on a déjà lu sur le sujet des gens comme Lordon ou
Giraud, mais on en profitera pour revoir sous un éclairage nouveau proposé par
un économiste américain, des connaissances précédemment acquises.
Krugman n’y va pas par quatre chemins et explique d’entrée de jeu que le
moyen de combattre les récessions est maintenant largement connu : il faut
créer de la monnaie. Selon lui, la grande majorité des économistes reconnaît
aujourd’hui que "la Grande
Dépression est née de l’effondrement de la demande solvable et que la Réserve
fédérale aurait du combattre la crise en injectant massivement de la monnaie."
Ceci étant
posé, l’auteur passe en revue la plupart des crises qui se sont déroulées dans
la 2ème moitié du XXe siècle pour nous en expliquer les
causes, les effets et les solutions plus ou moins efficaces qui y ont été
apportées. Une des conclusions principales qui en ressort est que " la réussite apparente d’une économie,
l’admiration portée à ses dirigeants par les marchés et les médias ne
garantissent nullement que cette économie fût à l’abri d’une crise financière
soudaine" , ce qu’il appellera plus loin dans le livre une
« crise autoréalisatrice ».
L’économiste s’interroge alors
sur le rôle du FMI et sur le fait qu’il n’ait pas mis en œuvre les solutions
qui paraissaient évidentes, à la lumière de l’expérience du passé et des
connaissances acquises: " Pourquoi
ces hommes très intelligents défendaient-ils pour les économies de marché
émergentes des politiques qui étaient totalement perverse selon la doctrine
économique standard ? La réponse tient en quelque mots : « la
peur des spéculateurs »" Le propos ici ne consiste pas en une
critique de plus du FMI. A travers cette institution et son action, Krugman
attire notre attention sur le rôle majeur des attaques spéculatives
autoréalisatrices, à l’origine des crises éponymes. On se rend compte alors que
la psychologie du marché devient déterminante parce que "le fait de croire quelque chose rend ce
quelque chose possible". On se rapproche ici grandement des thèses
défendues par quelqu’un comme Pierre-Noël Giraud. Tout ceci permet à Krugman
d’affirmer que "la politique
économique internationale finit par avoir bien peu en commun avec l’économie.
C’est devenu un exercice de psychologie amateur (…) " Il semble donc
qu’avec les règles actuelles du système financier international il n’y ait pas
vraiment de solutions pour éviter les crises.
Que faire alors ? Au delà des mesures d’urgence (faire repartir le crédit et soutenir les dépenses en injectant des capitaux), une réforme financière s’impose, décrite très succinctement par Krugman selon le principe général que "tout ce qui doit être secouru pendant une crise financière (…) devrait être régulé en dehors des crises" et notamment le « système bancaire de l’ombre » (dont les hedge funds font par exemple partie) qui, officieusement remplit un certain nombre des prérogatives du secteur bancaire sans en subir les obligations puisque officiellement il n’en a pas les statuts. Il faut que le système financier redevienne ennuyeux nous dit Krugman, ce qui devrait réjouir F.Lordon lui qui propose de « médiocriser la finance ». La réforme passe aussi par une limitation des flux internationaux de capitaux à long terme.
Même si Krugman ne détaille pas les solutions et les manières de les mettre en œuvre, nous savons qu’elles existent. Comme il le dit lui-même en conclusion : "les seuls obstacles structurels importants à la prospérité du monde sont les doctrines obsolètes qui encombrent l’esprit des hommes"