A l’instar d’un F.Lordon par exemple, P.N. Giraud est à l’origine un ingénieur qui a mal tourné puisqu’il est devenu économiste. Je reste convaincu que c’est cette formation initiale qui lui permet de garder les pieds sur terre et de faire en sorte que l’économie – et particulièrement la finance – ait un caractère pratique, en nous ramenant toujours aux réalités concrètes. Si l’un de ses objectifs est de décortiquer le mécanisme des bulles financières, il ne vit pas dans la sienne et propose constamment, grâce à des exemples récents, de regarder ce qui se passe dans le monde réel afin de valider son propos.
J’aurai l’occasion de revenir à plusieurs reprise sur l’ouvrage tant il est riche et complet et offre matière à discussion. Il remet d’ailleurs en cause un certains nombre de choses que je pensais définitivement acquises et surtout, présente une articulation entre la création monétaire et le fonctionnement de la finance qui ne peut que me réjouir.
En attendant de développer plus en avant ce que j’ai retenu, ma fainéantise naturelle me pousse à profiter que Giraud fait régulièrement le bilan des idées qu’il développe, pour citer un passage qui résume bien la première partie du livre et les thèses défendue par l’auteur.  

Dans les chapitres qui précédent, j'ai donné mon analyse de ce qu'est la finance, en particulier la finance de marché globale. J'ai mis l'accent sur les caractéristiques suivantes, essentielles à mes yeux : les instruments financiers visent à transférer de la richesse dans le temps. Or il n'existe aucun moyen sûr de transférer de la richesse dans le temps. La finance crée et organise l'échange de droits sur la richesse future qui ne peuvent jamais être garantis. Ce ne sont donc que des promesses. Le prix de ces promesses ne peut jamais être calculé simplement à partir de données observables. II résulte à chaque instant de la confrontation, sur les marchés, des visions de l'avenir que construisent les acteurs économiques. Ces visions ne sont nullement le simple reflet de l'ensemble des données observables dans le passé et le présent. Ces données sont certes suivies et analysées avec la plus grande attention par les acteurs, mais elles sont traitées par des modèles d’interprétation qui comportent une large part d'appréciation subjective et de mimétisme. II en résulte qu’il n’est jamais possible de dire en toute rigueur qu’un actif financier est sur- ou sous-évalué par le marché. Il en résulte que les prix des actifs financiers peuvent subir, sous l'effet d'informations nouvelles, de brusques variations, sans qu'il soit possible d'affirmer qu'il s'agit là d'inévitables corrections ramenant les prix à leur valeur fondamentale objective.

Enfin, dans les systèmes monétaires contemporains où ce sont les banques commerciales qui créent une pure monnaie de crédit, et où les gouvernements manifestent une préférence marquée pour la croissance, la finance produit inévitablement des droits en excès sur la richesse future, ce que j'ai appelé le « mistigri ». Cela provoque des purges périodiques des droits en excès, de nature différente selon les systèmes financiers (poussées inflationnistes ou crises financières), qui engendrent des conflits de répartition et des transferts de richesse.

Ces thèses sont éloignées des conceptions aujourd’hui dominantes tant en finance qu'en économie. J’en ai dit la raison. Elle tient à ce que j'ai systématiquement exploré les conséquences d'un axiome : «L'avenir est contingent. » Cet axiome n'est admis ni par la finance ni par l'économie, pour qui l'avenir est calculable.