Daniel Cordier
Par RST le mercredi, 30 décembre 2009, 19:20 - Les seconds rôle de l'Histoire - Lien permanent
Officiellement, il fut le
secrétaire de Jean Moulin de Juillet 1942 à Juin 1943. En pratique, il fut bien
plus que cela : il fut son adjoint, l’épaulant de manière remarquable dans
sa tâche proprement surhumaine. C’est ce que nous découvrons dans son livre
"Alias Caracalla", ouvrage passionnant de plus de neuf cent pages que
l’on lit d’une traite. Le terme "second rôle de l’Histoire" qui me
sert d’intitulé à cette catégorie initiée il y a quelque
temps maintenant ne parait pas des plus approprié – mais je n’en ai pas
d’autre – à celui qui, alors qu’il n’avait pas encore 20 ans, fit le choix de
l’honneur, du courage et du don de soi, et qui, hasard des circonstances, alors
que son désir le plus cher était de se battre, se retrouva à seconder le
représentant de De Gaulle chargé d’unifier la Résistance, d’établir l’autorité
du Général sur les responsables militaires affirmant ainsi la légitimité de ce
dernier à représenter la France aux yeux des Alliés.
Daniel Cordier parle de lui mais
par la magie de l’écriture, c’est aussi Jean Moulin alias Rex que nous
découvrons, "l’homme le plus
important de la France libre après de Gaulle". L’admiration et
l’affection que lui porte l’auteur sont présentes à chaque instant et nous font
découvrir une facette du caractère de Cordier : c’est un affectif.
Ecoutons le : " Depuis
toujours, mes relations personnelles avec les êtres sont avant tout
affectives : je les aime ou je ne les aime pas ; le reste est
secondaire. (…) Avec le patron, c’est autre chose. Comme Jeanne d’Arc et de
Gaulle - naguère Maurras et Napoléon -, il appartient à mon
Pour décrire plus précisément Daniel
Cordier et ce que fut son activité aux côtés de Moulin, le mieux reste encore
de faire appel à Cordier lui-même. Ainsi, cette description qu’il fait de l’un
de ses proches collaborateurs, semble lui convenir parfaitement: " (…) il risque sa liberté et sa vie sans
états d’âme, transportant à longueur de journée lettres, argent, postes de
radio, armes, paquets (…). Le moindre d’entre eux peut le conduire en prison, à
la torture et à la mort. Cet inconnu inébranlable que j’ai appris à respecter
est un exemple"
L’objet principal du livre reste néanmoins
la Résistance, son action, son mode de fonctionnement, ses objectifs. Et ce que
nous fait découvrir Cordier est bien éloigné de l’image exaltée que l’on peut
en avoir. Les antagonismes et les conflits sont nombreux à l’intérieur de cette
nébuleuse entre les Free French formés à Londres et les chefs de la Résistance
qui n’ont jamais quitté le sol national, entre les divers groupes para
militaires eux mêmes, ou encore avec les vestiges des partis politiques. Et
surtout, la vie de tous les jours n’est pas faite d’actes héroïques mais de
tâches essentiellement logistiques visant à assurer les communications entre
les divers intervenants. "La légende
égare aujourd’hui le lecteur, qui ne connaît que l’aspect romanesque de nos
tâches. Je suis toujours frappé par les représentations actuelles qui occultent
les difficultés de la vie quotidienne de la Résistance, peureuse, sans éclat,
ou ne leur donnent pas leur véritable importance. Elles sont transfigurées par
un romantisme de roman d’espionnage, fort éloigné de la véritable réalité."
Plus encore que l’impérieuse obligation d’effectuer ces tâches ingrates mais
nécessaires, la triste réalité de la Résistance vient de son impuissance à agir :
"En dépit de leurs prétentions
imaginaires, les mouvements sont incapables d’effectuer la moindre action de
guérilla"
Nous ne saurons rien sur
Cordier après la guerre. Sa biographie sur Wikipedia
nous apprend qu’il choisit de tourner la page et d'oublier radicalement cette
période de sa vie, ne parlant plus de la Résistance en public pendant plus de
trente ans. Il s'oriente alors vers une brillante carrière de marchand d'art. Comment
ne pas voir ici l’influence décisive de Jean Moulin qui dans le court laps de
temps où il l’a côtoyé, l’a initié à l’Art et ses mystères ?
Pour découvrir encore un peu plus cet homme extraordinaire, je vous recommande l’excellente émission d’Arrêt sur image consacrée à la Résistance avec Daniel Cordier qui nous explique, entre autre, pourquoi la France a cessé pour lui d’exister en Juin 1940 et que le salut viendra de l’Europe et plus encore d’un gouvernement mondial.
Postscriptum: le proche collaborateur mentionné ci-dessus dans la description était Hugues Limonti alias Germain qui devint le chef des courriers de Cordier. C'est J.P. Azéma qui lui rend hommage dans sa biographie de Jean Moulin: "J'ai été reçu par cet homme remarquable, chaleureux et modeste, devenu le patron d'un tout petit atelier après avoir survécu à la déportation; lui du moins fut nommé Compagnon de la Libération"