Pourquoi les milieux d’affaires s’opposent-ils par principe à la relance par la dépense publique, ainsi qu’à la réalisation du plein emploi? Le retour à la prospérité ne bénéficierait-il pas aux entrepreneurs?  Les profits ne gagneraient-ils point  à ce qu’un peu d’inflation ne rogne les salaires? Et bien non. Aujourd’hui, comme dans les années 30, le monde des affaires et de la rente oppose un véto catégorique au keynésianisme traditionnel. Pour éclairer ce mystère, Paul Krugman a eu la chouette idée d’exhumer un texte de 1943, rédigé par l’économiste polonais Michal Kalecki et intitulé "Political aspects of full employment".

Voici, selon Kalecki, les trois raisons qui motivent l’anti-keynésianisme:

1)      La fin du laisser-faire met un terme au pouvoir d’intimidation des milieux d’affaires. En effet, un Etat qui ne prend jamais la responsabilité de stimuler l’activité économique est toujours dans la main des entreprises, qui n’ont de cesse d’invoquer la nécessité d’entretenir un bon climat de confiance pour conserver ou étendre leur liberté d’action.

2)      L’accroissement de la dépense publique  élève le risque d’intrusion de l’Etat dans certaines activités jusqu’ici privées.

3)      Le plein-emploi risque de renforcer le pouvoir de négociation des syndicats et de remettre en cause la discipline imposée à la main d’oeuvre.

Kalecki observe que seules les politiques relance initiées par les régimes fascistes et nazi ont obtenu l’agrément des milieux d’affaires, d’une part, parce que la dépense publique était concentrée sur l’armement, d’autre part, parce que l’ordre et la discipline au travail étaient garanties par « l’ordre nouveau ».