"L'historien Olivier Blanc a souligné la grande résistance des milieux d'affaires à la répression : très rares ont été les chefs d'entreprise à subir la guillotine. Durant la Terreur, Barère, constamment présent au Comité de salut public avant et après Robespierre, a œuvré pour protéger les milieux de la finance avec lesquels il était en relation directe. Barère, décisif lors du procès du roi (il préside alors la Convention), décisif lors de l'adoption des lois des suspects en septembre 1793 puis des lois de prairial en mai 1794, pourvoyeur de la guillotine, en partie responsable des massacres perpétrés en Vendée, également lié aux milieux enragés, ce personnage qui reçut aussi probablement des subsides anglais, apparaît comme un symbole très fort des ambiguïtés économiques de la Terreur. D'une part, il a porté une partie des décrets protégeant les indigents, soutenu la politique de réquisitions systématiques et de lutte contre les accapareurs, et voté l'ensemble des mesures de contrôle de l'économie par le gouvernement révolutionnaire. D'autre part, il a lui-même largement profité de la situation pour s'enrichir, protéger ses amis financiers, participer à la protection de la propriété privée et proposer, globalement, un modèle politique résolument républicain et individualiste dont Pierre Sema pense qu'il se rapproche de la République « opportuniste» des années 1880. La politique économique du gouvernement révolutionnaire au temps de la Terreur a donc bien une spécificité : cette tension continue entre exigences absolues liées à la défense de la patrie, revendications incessantes émanant de la base sociale du pouvoir politique et souci constant de préserver le fondement libéral de l’économie et la propriété privée."

 

Extrait de « Quand le monde a basculé – Nouvelle histoire de la révolution française 1789-1799 » par Olivier Coquard