Lors de la première table ronde, intitulée "Régulation financière : protéger ou désarmer les marchés", André Orléan, Roman Rancière, Frédéric Lordon ou Dominique Plihon, entre autres, ont fait assaut de pédagogie et de talent  pour démontrer l’erreur de diagnostique massive faite par la communauté des économistes et expliquer pourquoi les mesures récemment mises en œuvre pour réguler la finance sont loin d’être satisfaisantes. Comme l’a dit Lordon, on ne cherche pas, aujourd’hui, à empêcher les crises mais à en limiter les effets. Je ne développerai pas plus en avant ce qui a été dit au cours de ces débats, certes intéressants – et notamment les aspects liés au rôle du régulateur – mais qui n’apportaient rien de vraiment nouveau.  Ma méfiance a néanmoins été mis en éveil par exemple lorsque Plihon a déclaré que nous étions tous des citoyens européens, ou que Rancière a affirmé que la BCE – que tout le monde s’accorde à vouloir réformer – avait les moyens de différencier son action en fonction des pays en jouant, si j’ai bien compris, sur les conditions de refinancement. On pourrait donc, selon lui et malgré la monnaie unique, envisager des politiques monétaires différentes. Lorsque je lui ai demandé si il existait de la littérature sur ce sujet qui me permettrait d’approfondir, il a reconnu que non car le principe n’avait pas encore été vraiment étudié. A suivre donc, spécialement dans l’optique de pouvoir contrer cet argument qui risque d’être opposé à ceux qui critiquent la monnaie unique.

Mon appréhension initiale s’est hélas confirmée au cours de la deuxième table ronde intitulée "Sortir du piège de la dette et de l’austérité en Europe". Après un exposé remarquable de Till van Treeck sur les trois fausses évidences concernant le modèle de croissance allemand – que  j’espère avoir l’occasion de publier ultérieurement sur mon blog – les choses sérieuses ont commencé avec Pierre Khalfa qui a annoncé la couleur : sortir de l’Euro serait contreproductif ! Ne demandez pas pourquoi, vous ne le saurez pas. C’est, semble-t-il le nouveau dogme que certains économistes atterrés ont l’intention d’utiliser pour remplacer ceux actuellement en place et qu’ils critiquent, comme la supposée efficience des marchés. Attention donc, un dogme peut en cacher un autre !

Mais le summum de la journée a été atteint avec Michel Devoluy qui a plaidé pour une "planification fédératrice à l’européenne" qui serait obtenue "en faisant adhérer les citoyens européens à des projets collectifs", comme, par exemple, "des services publiques européens". Et de conclure sur cette perle : "si il y avait les volontés politiques,on pourrait utiliser les textes actuels pour mettre en musique  préférences communautaires". Mais mon brave monsieur, elles sont où les volontés politiques ? Cela fait 50 ans maintenant qu’on les cherche, ne serait-il pas temps de passer à autre chose ?
Même James Galbraith y est allé de son couplet en recommandant que la BCE soit soumise à une politique économique et sociale, reconnaissant par la même qu’elle n’existait pas mais n’en concluant pas pour autant à la nécessaire remise en cause de l’Europe actuelle et de la monnaie unique.          

Je n’ai donc pas hésité une seconde, lorsque le micro m’a été tendu, à interpeller les orateurs en leur rappelant qu’à l’origine la monnaie européenne devait être commune et non unique, que la zone euro n’était pas une zone monétaire optimale au sens des économistes et que je ne comprenais pas, qu’ayant posé le bon diagnostique, ils n’en tirent pas les bonnes conclusions, à savoir que la monnaie unique nous tuait. Les réponses de ceux qui ont bien voulu en apporter se sont limitées à affirmer que la sortie de l’Europe n’était pas à l’ordre du jour. Dialogue de sourds ! A se demander si ils avaient bien lu le fameux manifeste jusqu’au bout. Sa conclusion est pourtant claire : "la refondation de l’Union européenne passera elle aussi au début par un accord entre quelques pays désireux d’explorer des voies alternatives. (…) Des gouvernements nationaux prendront des décisions innovantes." C’est bien, littéralement, un appel à sortir du cadre de l’Europe actuelle, à faire sécession !  

N’étant pas très réceptif aux problématiques écologistes, je passe rapidement sur la troisième table ronde "Croissance, emploi, consommation, écologie, solidarités… : quelle économie pour quelles finalités ?" qui a quand même vu Geneviève Azan s’enthousiasmer sur la "grandeur de l’Europe" et sur "l’honneur de l’Europe" et au cours de laquelle j’ai pu constater que les positions étaient loin d’être communes chez les atterrés, sur les questions liées à la croissance.
A noter l’intervention de Jean-Paul Moatti, économiste de la santé. Il a montré comment la crise actuelle remettait en cause les maigres progrès achevés dans le monde ces dernières années comme, par exemple, les succès dans la lutte contre la malaria au Rwanda.