Comptons jusqu’à cinq …
Par RST le lundi, 4 octobre 2010, 20:36 - Macroéconomie - Lien permanent
Un, deux, trois, quatre, cinq, …
Un enfant de moins de dix ans vient de mourir de faim…
Six, sept, huit, neuf, dix …
Un autre enfant vient de mourir de faim …
Il en meurt un dans le monde toutes les cinq secondes.
C’est l’abominable crime que dénonce Jean Ziegler dans un film remarquable sorti en 2005 : "We feed the world". Je n’aurais jamais du revoir ce documentaire. Grâce au fonctionnement miraculeux de la mémoire humaine qui, avec le temps, rend les souvenirs les plus pénibles, supportables, j’avais fini par oublier en grande partie les détails du film d’Erwin Wagenhofer. Je me souvenais bien qu’il dénonçait les ravages de l’industrie agroalimentaire, mais je n’avais plus en tête cette statistique insupportable.
Elle est d’autant plus insupportable que Ziegler nous dit que la terre pourrait nourrir sans aucun problème 12 milliards d’habitants, soit le double de la population actuelle ! Le film nous montre les raisons de ce désastre, du principalement à "la stratégie meurtrière des hiérarchies des multinationales" consistant à maximiser les profits.
On y voit comment les pays occidentaux subventionnent leurs agricultures à coup de milliards, rendant les produits locaux à Dakar, plus chers que les produits importés d’Europe. Les paysans africains n’ont alors plus d’autre possibilité que d’émigrer chez nous pour fournir la main d’œuvre à bon marché qui sera exploitée, par exemple, dans les gigantesques serres d’Almeria, en Espagne, où l’on cultive industriellement les tomates sur des milliers d’hectares.
On y voit aussi le directeur de la production de Pioneer (premier producteur de semences au monde) en Roumanie expliquer à son interlocuteur Roumain qu’ "on avait déjà foutu en l’air l’Europe de l’Ouest et maintenant, on va détruire toute votre agriculture». Pioneer, dont le slogan "We feed the world" a été repris en titre du film.
On y voit encore comment, au Brésil, "le cheptel européen mais aussi celui des autres pays qui consomment du soja dévorent la forêt tropicale amazonienne" affamant la population locale.
Enfin, on y voit Peter Brabeck, le sémillant Président de Nestlé de l’époque, nous expliquer que l'eau est une denrée comme les autres, qu'elle a une valeur marchande et qu'il faut la privatiser : " les ONG ont un avis extrême quant au problème de l’accès à l’eau. Ils souhaitent (…) que tout le monde puisse avoir accès à l’eau. Mon point de vue n’est pas celui-ci, il faut que l’eau soit considérée comme une denrée, et comme toute denrée alimentaire, qu’elle ait une valeur, un coût". Selon lui, c’est uniquement parce que nous prendrons conscience que l’eau a un coût que nous mettrons en place les mesures adaptées pour les franges de la population qui n’ont pas accès à cette eau.
La logique marchande poussée à son extrême…
Un, deux, trois, quatre, cinq, …