Dominique Garabiol a commencé par un rappel assez cruel pour la France, à savoir que le FMI a été dirigé par un français pendant trente huit des cinquante dernières années ! Créé en 1946, il a vu son rôle se limiter à la surveillance des pays en difficulté, rôle qui a été entériné par les accords de la Jamaïque de Janvier 1976 dont le négociateur pour la France était Jean-Pierre Fourcade, présent au colloque. Ce même Jean-Pierre Fourcade qui, ironisant sur la venue des inspecteurs du FMI en France lorsqu’il était ministre des Finances, regrettait qu’il n’ait pas été un facteur d’équilibre de l’économie mondiale.

Les plus grands "succès" dont peut se prévaloir le FMI aujourd’hui sont d’avoir conforté la place du dollar et d’avoir mis en place des réformes appliquées aux pays déficitaires que l’on a regroupé sous le vocable de Consensus de Washington ! Ce sont ces mêmes mesures et leurs effets désastreux qui ont donné naissance à la méfiance extrême qu’inspire cette organisation aux pays Africains.

Pour prétendre jouer un rôle positif dans l’économie mondiale, le FMI doit tout d’abord tenir compte des réalités du monde qui a changé depuis cinquante ans. Cela passe par une redéfinition du rôle des différents pays en fonction du poids de leurs économies. Les récents accords de Pittsburgh en ont pris actes en proposant de redéployer 5 % des droits de vote mais on est encore loin du compte si l’on veut coller à la réalité.

C’est la position que défend Michel Aglietta lorsqu’il préconise de fusionner les droits de vote des pays de la zone Euro, ce qui constitue pour lui une réforme cruciale. Des pays siègent au FMI nous dit-il, alors qu’ils n’ont pas de monnaie ! Sa proposition est donc de répartir les 32 % détenus actuellement par les divers pays composant la zone Euro en 20% pour la zone euro  et 12 % à répartir entre les pays émergents. Mais se pose alors la question fondamentale notamment pour ceux qui mettent en cause le principe de la monnaie unique : qui sera le dépositaire de ces 20 % ? La réponse d’Aglietta est de réclamer un minimum de fédéralisme politique. Mais qu’est-ce que cela signifie en pratique et, en supposant que cela soit réellement souhaitable, comment l’obtenir ? Certainement pas comme semble le penser Jean-Pierre Fourcade, avec le traité de Lisbonne !

Nous sommes de nouveau face à une donnée de base que les partisans de la monnaie unique ont occulté : il n’y a pas de monnaie sans souveraineté, il n’y a pas de monnaie sans pouvoir politique. Aglietta ne dit pas autre chose quand il demande avec quel Etat européen la BCE va-t-elle avoir un dialogue d’autant plus nécessaire qu’elle ne doit pas se contenter de lutter contre l’inflation mais être aussi responsable de la stabilité financière. L’intervention de Jean-Luc Gréau prend alors tout son sens quand il rappelle qu’à l’origine il y avait l’ECU, monnaie commune mais non unique, monnaie étalon mais non de payement. Il devient alors justifié de considérer que l’échec de l’Euro et les difficultés dont il est à l’origine ne sont pas nécessairement liés à sa conception initiale mais à sa mise en œuvre.

Constatant, pour le regretter, que l’Euro n’est pas un instrument politique, Jean-Pierre Fourcade ne va pas jusqu’à préconiser l’abandon de la monnaie unique. Et pourtant, quelle autre solution avons nous façe à l’intransigeance des Allemands quant à l’utilisation de la monnaie comme un instrument de politique économique ? Comme le souligne Jean-Pierre Chevènement, il faut toujours en faire plus avec les Allemands sans rien en retour et sans espoir de les convaincre.

N’est-il donc pas réellement temps de mettre sérieusement ce sujet sur la table et de nous préparer à sortir de l’Euro en attendant le jour lointain où un FMI réformé gérera des DTS – dont nous reparlerons dans un prochain billet – devenus  une vraie monnaie internationale ?