Cette proposition de réduction de la taille des flux de capitaux était, de son aveu même, la plus importante parmi les six pistes proposées par le Directeur des études de Natixis pour contrôler la création de monnaie Banque Centrale. Selon lui, la perversité du système actuel - qu’il  a qualifié de "système Breton Wood inversé" - a favorisé un biais monétaire expansionniste ; ainsi avec aujourd’hui environ 11 000 milliards de dollars au bilan de l’ensemble des banques centrales, nous nous retrouvons avec 4 fois plus de monnaie qu’il y a 20 ans, avec pour conséquence directe, la création de bulles qui se déplacent d’actifs en actifs.

Au moment même où le taux d’épargne des américains augmente, réduisant ainsi le déficit extérieur des Etats-Unis, un phénomène nouveau apparait compensant cette réduction du déficit, à savoir de fortes sorties de capitaux depuis les Etats-Unis vers les pays émergents. Cela a des effets déstabilisants pour ces même pays, comme l’explique Artus en détail dans l’Echo Hebdo n°39. Dans ce même document, il ne craint pas de dire que les solutions à ce problème passent par l’acceptation d’"idées politiquement incorrectes"  comme admettre "que la libre circulation des capitaux n’alloue pas efficacement l’épargne mondiale, puisque l’épargne est canalisée de manière stérile vers les marchés boursiers des pays émergents, vers les marchés de matières premières" et "que la seule façon pour les pays émergents de protéger leurs économies des flux déstabilisants de capitaux est que ces pays mettent en place des restrictions à l’entrée des capitaux : taxation, dépôts à la Banque Centrale non rémunérés liés aux investissements financiers…" Diantre, il la prend quand sa cotisation à ATTAC, notre bon professeur à l’Ecole Polytechnique ? En attendant, la taxe Tobin me parait parfaitement convenir à la définition d’une idée politiquement incorrecte tout en jouant un rôle de restriction aux mouvements de capitaux.   

Le contraste fut saisissant pour moi avec la position défendue ensuite par Michel Aglietta que je pensais, à tort visiblement, appartenir à la catégorie des économistes que je qualifierais d’antilibéral. Je me suis même demandé, l’espace d’un instant, si je ne confondais pas les deux intervenants ! Car si pour Aglietta aussi, l’origine de nos malheurs est à chercher dans l’inefficacité des marchés financiers – et du côté des taux de change qui ne font pas leur travail – il propose lui ni plus ni moins, si je l’ai bien compris, de favoriser le développement des marchés de capitaux dans les pays émergents. Cela permettrait selon lui, d’internationaliser les monnaies de ces pays et d’offrir une alternative au dollar, dans l’optique plus globale d’une partition du monde en 3 ou 4 régions ayant chacune leur monnaie.

Conscient peut-être d’un risque de mauvaise interprétation de ses propose, Aglietta a ensuite longuement préciser qu’il fallait une régulation financière  contraignante et que les Etats reprennent le pouvoir sur la finance. Ainsi, si les positions d’Artus et d’Aglietta se rejoignent sur le diagnostique les solutions proposées différent notablement.

Ce colloque a été pour moi l’occasion de découvrir Michel Aglietta qui fait notamment référence dans le domaine de la monnaie. Je cherche d’ailleurs désespérément le livre qu’il a écrit avec André Orléans intitulé  "La monnaie entre violence et confiance" mais il n’est disponible nulle part ! En fait c’est visiblement un économiste qui sort des sentiers battus et n’a pas peur de défendre des propositions en fonction de l’efficacité qu’il leur prête, plutôt qu’en vertu de quelconques préjugés idéologiques. C’est ainsi qu’il ne craint pas d’affirmer par exemple que la titrisation est incontournable, ce qui ne m’avait pas paru évident jusqu’alors!

Je reviendrai sur tous ces sujets ultérieurement, ainsi que sur les nombreux points abordés lors du colloque, le plus souvent de manière passionnante même si parfois ardue, comme l’Europe et l’Euro, les DTS, la gouvernance mondiale, les zones monétaires régionales, le rôle du FMI ou encore les relations entre la Chine et les Etats-Unis.