Le livre débute par une critique, certes intéressante, mais néanmoins classique désormais, du fonctionnement de l’économie dont l’objet véritable pour Giraud n’est pas la croissance mais les inégalités. Beaucoup moins classique cependant est l’analyse prospective argumentée que fait ensuite l’auteur pour montrer que Malthus s’est trompé et que, grâce au progrès technique – annoncé comme « prodigieux » dans les 30 ans à venir – et à la transition démographique qui devrait entrainer une diminution de la population mondiale à partir du début du siècle prochain, « nous n’avons aucun véritable problème de ressources, mais des problèmes de poubelles qui débordent et souillent tout le reste de la planète ».
En réalité, si l’on adhère aux thèses de Giraud, on comprend vite que la plus grande menace que doive affronter l’humanité c’est elle-même et son incapacité à s’organiser pour assurer une existence décente à tous ses membres dont certains deviennent alors « inutiles » que ce soit aux autres mais aussi à eux-mêmes. Le thème de l’inutilité avait déjà été abordé par Giraud dans un cadre officiel. Il le développe et le précise ici en s’appuyant – pour définir un niveau de justice minimal – sur Pareto et son célèbre critère, sur John Rawls et son concept de panier de biens  premiers minimums et sur Amartya Sen et sa définition des libertés substantielles.
Sous l’effet de la globalisation qui voit certes la réduction des inégalités internationales entre pays rattrapés et pays émergents, les inégalités internes elles, se creusent avec pour conséquence dans les pays riches le laminage des classes moyennes, piliers de la démocratie parlementaire et de l’Etat social-démocrate.  C’est dans ce cadre que Giraud développe son modèle économique original basé sur le concept d’emplois nomades et d’emplois sédentaires. Il montre comment les firmes globalisées mettent en concurrence les emplois nomades de différents territoires, comment cela impacte les  emplois sédentaires d’un même territoire et crée un réservoir d’hommes inutiles avec à terme, un risque que la guerre civile se substitue à la guerre des classes sous l’effet de « l’errance des conflits économiques ». Le rôle de la finance dans tout ça n’est pas passé sous silence. Son instabilité chronique est dénoncée qui ne fait qu’aggraver la situation.

Dans la dernière partie du livre, Giraud aborde les choses sous l’angle politique et propose des solutions pour éviter les dangers qu’il dénonce, notamment la guerre civile. Nous y reviendrons dans un prochain article. A suivre donc …