Merci pour le papier, qui a l'immense mérite de remettre les pendules à l'heure. Certes il n'apporte rien de nouveau puisqu'il ne fait que rappeler que l'accroissement des déficits publics n'est généralement que le résultat des récessions au lieu d'en être la cause. Il semble toutefois qu'un mécanisme macro-économique aussi élémentaire ait échappé à la plupart des économistes "médiatisés", mais aussi aux "spécialistes" de l'espèce Reinhart et Rogoff. Il rappelle aussi le principe universel de monétisation des déficits publics en situation de souveraineté monétaire, auquel personne ne semble rien comprendre, alors qu'il est au fondement de l'autonomie des Etats en matière économique, en particulier au sortir des guerres et des crises. Il a aussi le mérite de montrer que la mythologie de l'endettement public excessif est fondée sur du vent: ce mythe a pour seule fonction de "discipliner" l'action publique au prétexte de lutter contre l'inflation - au moment même où la plupart des économies plongent dans une spirale déflationniste.

En outre les auteurs soulignent à juste titre qu'un Etat doté de sa souveraineté monétaire n'est en effet nullement contraint d'émettre des titres de dettes: c'est un choix délibéré qui n'entraine aucune conséquence sur sa solvabilité ni sur le niveau des taux d'intérêts. En cas d'absence totale de risque de défaut, la prime de risque est nulle, et les titres seront toujours demandés, en particulier du fait des nécessités liées à la composition du portefeuille des zinzins. Ceci est valable autant à 10% de dette/PIB qu'à 300%: il n'existe aucun seuil de dette "soutenable" pour un Etat souverain, en dehors du fait que ce choix de rémunérer la dette publique constitue un poste de dépense contestable. Mais cela peut être facilement compensé par une fiscalité adaptée sur la rente (ce qui revient à reprendre d'une main ce que l'on donne de l'autre). Il s'agit uniquement pour ces Etats souverains d'alimenter le marché des fonds prêtables en titres réputés sûrs, d'où l'idée que les titres de dettes souveraines "constituent une richesse financière pour le secteur privé".

Le papier souligne enfin indirectement l'absurdité de la situation de la zone euro - à travers l'interdiction de monétiser la dette publique et l'obligation qui en découle du financement par l'impôt et les marchés financiers - qui n'est due qu'à la seule volonté des gouvernements européens, sous l'impulsion des allemands et de l'idéologie ordo-libérale, de s'aliéner les instruments de politique budgétaire et monétaire en confiant leur appréciation aux seuls marchés financiers. En ce sens, comme les disent les auteurs, la situation les pays de la zone euro ne diffèrent en rien de celle des Etats des Etats-Unis: ils ont créé artificiellement les conditions de leur propre faillite tout en amplifiant les risques financiers systémiques. Le paradoxe est double car non seulement ces gouvernements se condamnent à amplifier la grande dépression, mais ils amplifient l'instabilité des marchés financiers, en les alimentant de titres publics potentiellement pourris, sachant que les titres de dette publique sont pratiquement les seuls à pouvoir garantir un risque zéro en cas de krach financier. "Une des fonctions des anciennes religions était d’effrayer le peuple, en faisant parfois appel à des mythes, pour qu’il se comporte de la manière requise pour le maintien à long terme d’une vie civilisée."