La thèse centrale de l’article est résumée dans ces courts extraits :

« Un gouvernement souverain dépense en émettant sa propre devise et, étant l'unique émetteur de cette devise, il n'a aucune contrainte quant à sa capacité à dépenser. Il n'a pas besoin d'impôts ou d'émissions d'obligations ; il peut dépenser en créditant les comptes des banques ; c’est un simple jeu d'écritures. »

«  L'émission de titres est une opération volontaire qui donne au secteur privé l'occasion de substituer des éléments du passif du gouvernement non rémunérés (monnaie et réserves auprès de la banque centrale) en éléments du passif du gouvernement rémunérés (obligations et bons du trésor), qui sont des soldes créditeurs dans les comptes-titres de la même banque centrale. »

«Quand une entité privée s'endette, son passif est l'actif d'une autre entité. Il n'y a aucune création nette d'actif financier. Quand un gouvernement souverain émet de la dette, il crée un actif pour le secteur privé sans compensation par un passif du secteur privé. Par conséquent l'émission de dette publique se traduit par la création nette d'actif financier pour le secteur privé. La dette privée est de la dette mais la dette publique constitue une richesse financière pour le secteur privé. »

Tout cela étant valable bien entendu dans le cadre où le gouvernement utilise sa propre devise flottante et non convertible (c’est-à-dire sans aucune promesse de conversion en or ou en devise étrangère à un taux fixe). Il n'est alors pas contraint dans son fonctionnement et ne peut pas être forcé au défaut. C’est un point fondamental qui a visiblement échappé à Reinhart et Rogoff puisque ces derniers distinguent  la dette selon qu’elle est domestique ou étrangère (= selon la « juridiction ») plutôt que selon la devise dans laquelle elle est libellée. Ce qui fait dire à nos auteurs que « La classification de Rogoff-Reinhart montre leur compréhension incomplète de ce qu'est la dette publique. » Nresisyan et Wray ne sous-estiment pas pour autant les inconvénients potentiels de dettes publiques excessives et notamment l’inflation qui apparait quand  l'économie est au plein emploi, toute dépense supplémentaire (de l’État, des ménages, des entreprises ou du reste du monde) en générant  (à moins que les dépenses privées soient réduites). Ils sont très clairs sur ce sujet, comme on pourra en juger à travers les passages ci-après :

« Bien sûr, il y a une limite aux dépenses publiques, et bien sûr, l’État ne devrait pas dépenser sans limite. (…). Néanmoins, il est contraint en termes réels, ce qui signifie qu'il se trouve en face d’autres problèmes de soutenabilité : quelle fraction des ressources de la nation devrait être utilisée par l’État ? Compte tenu du niveau de ressources dont le secteur privé a besoin, quelle peut être l’ampleur du déficit public ? Il y a plus de cinquante ans, Abba Lerner a répondu à cette question. S’il y a du chômage involontaire (nous y ajouterions du sous-emploi), cela signifie que le déficit public est trop faible. L’État doit soit diminuer les impôts, soit augmenter les dépenses. »

« Lorsque le total des dépenses de l'économie, y compris les dépenses publiques, dépasse ce que l'économie est capable de produire au plein emploi, l’État doit soit réduire ses dépenses soit augmenter les impôts. À défaut de le faire, cela conduira à de l'inflation. Ainsi, c’est l'inflation qui est la véritable limite aux dépenses publiques et non un manque de financement. Ceci s’applique aussi à la dette publique qui n’est que la résultante du déficit public. »

Dans ces conditions on peut se demander pourquoi néanmoins, en paraphrasant Nresisyan et Wray, pour un pays ayant une monnaie souveraine, la nécessité d'équilibrer le solde public sur une certaine période déterminée par les mouvements des astres, ou au cours d'un cycle économique, demeure un mythe, une religion démodée ? Ils donnent eux-même la réponse :

« (…) cette superstition est considérée comme nécessaire parce que si tout le monde se rend compte que l’État n'est pas réellement contraint d’équilibrer le solde public, alors il peut dépenser « sans contrôle », accaparant une trop grande part des ressources de la nation. »