De l’urgence de poser à nouveau la question monétaire
Par RST le dimanche, 21 juin 2015, 20:37 - Notes de lecture - Lien permanent
C’est un petit
livre qui m’a été recommandé par mon ami André-Jacques Holbecq. « L’hydre
mondiale – L’oligopole bancaire » de l’économiste François Morin se lit
facilement et rapidement. C’est un cri d’alarme dont l’objectif est de dénoncer
l’emprise de la finance sur nos existences, emprise exercée à travers une
poignée de banques systémiques – moins d’une trentaine sur les 40 000
exerçant actuellement dans le monde et 11 pour le noyau dur – constituées en un oligopole bancaire dont la puissance
économique et politique nous prive des moyens d’empêcher l’avènement imminent d’un
cataclysme d’ampleur inédite.
Ce n’est évidemment pas la première fois que se trouve dénoncé cet état de fait et ses conséquences potentielles dramatiques. Mais François Morin innove en appuyant sa démonstration sur des données chiffrées et des ordres de grandeur qui concrétisent parfaitement la menace qui plane sur nos têtes, et qui donnent le vertige. Un seul chiffre devrait suffire à nous convaincre de la démesure du secteur financier : pour l’année 2012 le total du bilan des 28 banques systémiques – telles que définies par le G20 – est pratiquement égal au total de l’endettement public mondial soit environ 50 mille milliards de dollars ! Mais le plus angoissant reste encore le hors bilan avec une des clés de l’instabilité monétaire et financière internationale – j’ai nommé les produits dérivés – qui totalisaient plus de 710 mille milliards de dollars d’encours notionnels en 2013 soit pratiquement dix fois le PIB mondial ! Ce sont eux qui sont à l’origine des différentes crises survenues depuis le milieu des années 1990 et pourtant, leur développement, comme on peut le constater sur le graphe ci-dessous, est loin d’être restreint.
Ce que l’auteur démontre
dans son ouvrage c’est que les banques systémiques occupent des positions
dominantes sur plusieurs marchés fondamentaux de la finance globale. Il met en
évidence les liens d’interdépendance entre les membres de cet oligopole
bancaire, tant financière – à travers notamment les CDO ou les CDS – qu’institutionnelle,
à travers leurs participations aux institutions internationales. Tout cela leur
donne la capacité réelle de déstabiliser la planète entière à travers leurs abus
qui ont été mis en évidence lors des nombreux scandales révélés ces derniers
temps : subprimes, manipulation du Libor, du marché des changes ou des
produits dérivés. Ce fonctionnement frauduleux est à l’origine du
surendettement public actuel et les amendes que se sont vues infliger certains
établissements ne changeront rien aux pratiques en vigueur.
Le constat étant
fait, on en arrive à la question fondamentale de savoir si nous avons les
moyens d’éviter le scénario catastrophe qui se profile à l’horizon, provoqué
soit par l’éclatement de la bulle obligataire ou du marché des actions, soit
par la faillite d’une banque systémique ou par un bankrun, et qui verrait toutes les
tensions internes et géopolitiques existantes et pour le moment, contenues, provoquer
des affrontements en tout genre. François Morin propose une solution pour remédier
aux graves dysfonctionnements de la finance : la mise en place d’une monnaie
commune internationale et la réintroduction des taux de change fixes. Mais
comme il l’écrit lui-même, cela « suppose
une communauté internationale suffisamment rassemblée pour définir ses intérêts
collectifs ». On peut toujours rêver !
S’il fallait trouver une critique à faire à cet ouvrage indispensable, ce serait d’avoir traité très – trop ? – rapidement la question du shadow banking et de ne pas avoir parlé du rôle des chambres de compensation comme Clearstream sans qui – sauf erreur de ma part – les banques ne pourraient procéder à leurs opérations habituelles, hors de tout contrôle démocratique.