Bâle 3 pour les nuls
Par RST le mercredi, 23 mai 2012, 20:41 - Macroéconomie - Lien permanent
L’association Finance Watch a publié récemment un document intéressant intitulé "Bâle 3 en 5 questions : des clefs pour comprendre la réforme" (voir annexe 1), dont l’objectif avoué est "d’expliquer en termes simples le système de régulation bancaire connu sous le nom de Bâle 3, visant à renforcer les banques et à éviter de nouvelles crises bancaires". On peut être dubitatif sur la raison d’être de Finance Watch qui considère dans ses principes fondateurs que "l’industrie financière a un rôle essentiel à jouer dans la société" et qui se propose, en gros, de faire du lobbying auprès des responsable politiques et des citoyens pour que "la légitime poursuite de la rentabilité de cette industrie" ne se fasse pas au détriment de la société. En ce qui me concerne, je pense que des méthodes beaucoup plus radicales devront être utilisées pour remettre la finance à sa juste place et la contrôler, pour comme dirait Lordon, la "médiocriser". En attendant, on se contente de ce que l’on a, comme ce texte instructif – notamment parce qu’il détaille clairement les différents mécanismes en jeu – dont je vous propose ci-dessous les conclusions ainsi que les questions qu’il a fait naitre dans mon esprit pervers.
Je reprends in extenso la conclusion de l’article :
Ce que Bâle 3 fera :
· Augmenter les fonds propres des banques
· Limiter les actifs des banques par rapport à leurs fonds propres
· Assurer que les banques disposent de liquidités suffisantes
· Renforcer les banques individuellement
Ce que Bâle 3 ne fera pas :
· Supprimer l’aléa moral
· Remédier au risque systémique
On constate donc que, au mieux, Bâle 3 ne sert pas à grand-chose – au-delà de laborieusement tenter d’améliorer le système tel qu’il est – puisque nous laissant toujours sous la menace du risque systémique, et que au pire, ces mesures sont nuisibles. C’est la thèse que défend de manière très détaillée et très convaincante Bernard Vallageas dans un article (en Anglais) intitulé « Bâle 3 et l’augmentation des exigences en matière de fonds propres : l’entêtement dans l’erreur et pourquoi "ça" recommencera » (voir annexe 2) :
"Depuis la libéralisation des années 80, le comité de Bâle veut renforcer le capital des banques et leurs autres ressources permanentes dans le but d'accroître leur sécurité financière, tout comme l'accroissement de leurs capitaux permanents renforce la sécurité financière des entreprises industrielles. Mais le capital d'une banque n'a aucun rôle dans sa sécurité ni dans la création monétaire. Au contraire nous montrons que l'accroissement des capitaux permanents des banques entraîne une décroissance de ceux des entreprises industrielles et de la titrisation. Aussi ce renforcement est nuisible et pour que le secteur financier travaille dans l'intérêt de toute l'économie, il faut séparer les banques de dépôt des autres institutions financières, renforcer le contrôle des banques et reconnaître qu'elles n'ont pas besoin de capital et donc pas besoin de propriétaires."
Enfin, pour conclure en tenant ma promesse faite en introduction de donner libre cours à mes perversions, je dois avouer que certaines formulations du texte publié par Finance Watch m’ont amené à soupçonner un gros malentendu à propos du fonctionnement du système bancaire. Il est communément admis que, moyennant le respect de certaines règles, les banques commerciales créent la monnaie selon l’adage bien connu que les crédits font les dépôts. Or il me semble, sans toutefois en être sûr, que l’auteur du texte ne partage pas ce point de vue. Et c’est loin d’être secondaire puisque Vallageas pense que ceux qui défendent l’exigence de fonds propres pour les banques commerciales ont tout simplement oublié – pour peu qu’ils ne l’aient jamais su – qu’elles créent la monnaie !
J’ai demandé des clarifications sur le site de l’association, en donnant les références des passages incriminés (voir annexe 3). J’attends la réponse !