C’est le cas par exemple de Pascale Fourier qui écrit sur son blog :

«Pour ma part, je crois que tant que la Gauche n'ouvrira pas clairement le débat sur le libre-échange, la mondialisation et l'UE, il ne faudra pas qu'elle s'étonne des résultats de Marine Le Pen qui, elle, a bien compris les thématiques qui pouvaient lui permettre de dépasser les scores de son père - en faisant passer dans le paquet des thèmes largement plus nauséabonds...  »

Et plus loin, dans un commentaire :

"Quand nous aurons une Gauche qui saura dépasser enfin son internationalisme mal pensé, son européisme qui ignore les rapports de forces et conchie la démocratie et la souveraineté populaire, alors je pourrai dire à ceux qui votent FN qu'ils se trompent... (…) »

Et comme les grands esprits se rencontrent, c’est peu ou prou la position défendue par Frédéric Lordon dans un texte récent qu’il faut absolument lire, notamment pour la raison mille fois répétée du style inimitable qui est un véritable régal. Mais si la forme est remarquable, le fond n’est pas en reste. Il faut donc le lire aussi, bien évidemment, pour l’argumentation proposée :

« La montée du FN n’est pas autre chose que le cumul en longue période de ces échecs répétés de la représentation, le produit endogène des alternances sans alternative qui pousse, assez logiquement, les électeurs à aller chercher autre chose, et même quoi que ce soit, au risque que ce soit n’importe quoi (…)  quand l’orthodoxie néolibérale pressure les salaires, dégrade les conditions de travail, précarise à mort ou jette au chômage, quand elle détruit les services publics, abandonne les territoires par restriction financière, menace la sécu et ampute les retraites, toute proposition de rupture reçoit l’assentiment, toute trahison grossit le ressentiment, tout abandon du terrain nourrit le Front national»

Et pour tous les excités de gauche et d’ailleurs qui hurlent au fascisme dès que l’on fait mine d’envisager de considérer les électeurs FN comme autre chose que des bêtes malfaisantes :

«Sauf à des esprits un peu épais et par trop portés aux visions du monde par antinomies, vouloir sortir les électeurs FN de la catégorie « gros cons » n’équivaut donc en rien à les verser dans celle des « gens aimables ». Il s’agit bien plutôt de les soustraire à toutes les catégories (morales) du jugement par sympathie ou par empathie (ou bien antipathie) pour les restituer à la seule compréhension causale — dénuée de toute participation. Il n’y a rien à « admettre », encore moins à « partager » du racisme des racistes, mais tout à comprendre, à plus forte raison pour tous ces cas de racisme qui, ne s’expliquant pas directement par les causes matérielles (retraités niçois ou toulonnais très convenablement argentés par exemple), n’en sont par là que des défis plus urgents à l’analyse. »

S'il fallait résumer tout cela en une phrase, je citerais Jack Dion qui dans Marianne du 9 mai nous avertit "qu'on ne répondra pas au défi du FN par des leçons de morale, des excommunications et des jugements ex cathedra"

Je crains malheureusement que ce ne soit pas pour demain que Pascale Fourier puisse « dire à ceux qui votent FN qu’ils se trompent » tant la gauche ne me semble pas prête aux nécessaires remises en cause. Peut-être faudrait-il alors regarder ailleurs, vers des formations qui, bien que n’étant pas étiquetées « de gauche » n’en sont pas moins respectables et surtout qui proposent de vrais changements. Vous voyez de qui je parle ?