Laurent Mauduit, qui vient de sortir un livre intitulé "Les imposteurs de l’économie", fut le premier à s’exprimer pour dénoncer les conflits d’intérêts au sein de la communauté des économistes français, dont certains ne reculent pas devant le mélange des genres, pourtant proscrit par la loi qui interdit aux agents de l’État de travailler pour le secteur privé. Le tableau brossé par Mauduit n’est pas réjouissant, qui lui fait se poser la question de savoir si le combat ne serait pas déjà perdu. Notamment parce que l’on assiste à la privatisation rampante de l’enseignement de l’économie, favorisée  par les réformes mises en œuvre par Valérie Pécresse. Comme on pouvait s’en douter, l’introduction des financements privés dans les universités a permis au monde de la finance de voir son influence s’accroitre grandement, remettant dangereusement en cause l’expression, certes déjà timide, de la pluralité des opinions. Or cette pluralité est particulièrement nécessaire en économie car comme l’a rappelé  André Orléan, au cas où certains l’auraient oublié, l’économie n’est pas une science dure. Les valeurs propres de l’économiste vont influencer sa manière d’appréhender les choses. Il y a une part de subjectivité qui interagit avec ce qu’il produit. Cet état de fait rend donc tout à fait nécessaire la pluralité des points de vue. Et les attaques contre l’expression de cette pluralité se font dès l’enseignement secondaire avec la réforme des programmes qui, comme l’a dénoncé Erwan Le Nader, vice-président de l’Association des professeurs de SES, a pour objectif de supprimer tous les sujets qui fâchent et qui font cogiter les lycéens. Il appelle donc, en cas de changement de majorité, à un moratoire sur les programmes et interpelle les politiques sur ce sujet.
Et des politiques, il y en avait sur l’estrade, comme Karine Berger, économiste et membre du Parti Socialiste. Sa tentative de convaincre l’auditoire que les dirigeants politiques avaient encore le pouvoir et que les économistes n’avaient pas autant d’influence qu’on voulait bien leur accorder, ne convainquit pas grand monde. En revanche, son analyse de la situation fut beaucoup plus pertinente lorsqu’ elle fit remarquer que, autant les économistes de gauche se revendiquent ouvertement de gauche, autant  ceux de droite ne s’affichent pas comme tel. Or, si l’on considère comme rappelé plus haut, que les opinions des économistes influencent largement leurs choix, il est indispensable de savoir en toute transparence, dans quel cadre ils s’expriment. A plus forte raison si l’on considère, avec Liêm Hoang-Ngoc (on se demande ce qu’un type comme lui fait encore au Parti Socialiste), que le débat économique est la poursuite du débat politique.
Le dernier à s’exprimer fut Jacques Généreux, conseiller économique du Front de gauche. Relativisant la notion de pensée unique, il préfère parler d’hégémonie intellectuelle et souligne que face à la bêtise ambiante qui caractérise notre époque, il est indispensable de faire renaitre une pensée critique. Reconnaissant que personne n’est indépendant, il fait appel à l’honnêteté intellectuelle qui devrait permettre de résoudre une problématique qui, selon lui,  se pose aussi bien pour les journalistes, par exemple, que pour les économistes. Mais cela passe par la fin de l’ostracisme subit par les économistes engagés politiquement. C’est ainsi que Généreux dénonce le fait que, sous prétexte qu’il est un militant politique, les Economistes Atterrés (dignement représentés par Orléan) lui refusent  le droit de s’exprimer ou que, toujours pour les mêmes raisons selon lui, les critiques littéraires d’Alternatives Economiques de ses ouvrages soient devenues beaucoup plus mauvaises. Piqué au vif, Chavagneux lui rétorqua que son journal continuerait à dire qu’il écrit des conneries quand ils pensent que c’est le cas.   

La solution au problème de la mainmise de la finance sur la pensée économique passe donc par plus de transparence dans les motivations profondes de ceux qui s’expriment, puisque ces motivations permettent en partie d’expliquer certains choix et certaines orientations. Le propos de Samuelson et Nordhaus reste plus que jamais d’actualité : « En économie, ce que les gens voient dépend des lunettes théoriques qu’ils portent. » Et le choix de ces lunettes dépend d’opinions politiques et d’intérêts économiques bien compris. Ils doivent être clairement affichés.