L’un de ceux qui en ont pris pour leur grade fut Gaël Giraud. Sterdyniak introduisit son article en déclarant d’une manière assez méprisante qu’il n’y avait tout simplement rien compris. Cela aurait pu me mettre du baume au cœur n’ayant  personnellement pas réussi à dépasser l’introduction du texte de Giraud. Mais je ne suis pas polytechnicien et encore moins économiste. On aurait espéré un peu plus de mesure de la part d’un professionnel comme Sterdyniak. Cela n’empêcha pas Giraud d’appeler les participants à se concentrer sur ce qui les rassemblait avec comme objectif de définir les moyens de financer la transition écologique. Le moins que l’on puisse dire est que cet appel ne fut pas vraiment entendu. Au-delà des aspects théoriques abordés dans les exposés, ce que je retiendrai du premier thème sensé être débattu ("La nature de la monnaie, la création monétaire") c’est qu’il y avait en quelque sorte deux camps. Celui des "gentils" (représenté notamment par Plihon et Harribey) et … les autres.  Gabriel Galand faisait visiblement partie de celui des autres. Son intervention pour défendre la monnaie à garantie totale (autrement dit, le 100 % money)  s’est faite sous la pression du chronomètre – étonnamment absent pour certains – et sans que ne lui soit donné ultérieurement la possibilité de répondre aux questions. Etrange conception du débat de la part de Sterdyniak qui  assumait crânement le fait que c’était lui le chef. Il trouva néanmoins quelqu’un à qui parler lors du second débat (ayant théoriquement pour thème "Monnaie et dette publique").  Alain Grandjean ne s’en laissa en effet pas conter et haussa le ton pour réclamer que l’on cesse de faire référence à la magie dès que les idées présentées étaient jugées trop iconoclastes par les gentils animateurs. Il souligna fort opportunément, qu’alors qu’on lui avait toujours opposé l’impossibilité de faire gonfler le bilan de la BCE pour rejeter l’idée de financer la transition écologique par création monétaire, on venait d’y injecter d’un seul coup 1000 milliard d’euros. Ses arguments avaient la force de l’évidence et lui ont permis d’affirmer qu’en réalité, de l’argent il y en avait  partout, mais qu’il n’avait pas été possible d’imposer au marché, des signaux prix écologiques. Cela ne suffit visiblement pas,  cependant, pour ébranler les convictions de la bande à Sterdyniak.
La tension baissa légèrement dans l’après-midi. Les débats se firent plus techniques, préfigurant ce que pourrait être le meilleur, dans ce type d’évènement. Le troisième thème s’intitulait "Monnaie et crise" et donna lieu à des interventions intéressantes. André Orléan s’intéressa au concept de liquidité, absent selon lui de la théorie économique classique qui n’envisage que le concept de valeur, et source de forte instabilité pour cause d’absence d’autorégulation. Christophe Blot et Emmanuel Carré, plus classiquement, présentèrent  des analyses du fonctionnement de la BCE et de la FED et de leurs modes d’interventions dans la gestion de la crise. Enfin, la journée fut conclue par une réflexion sur les réformes  du système bancaire et financier. J’ai été particulièrement intéressé par l’intervention de Bernard Vallageas qui développa l’idée que les fonds propres seraient en fait nuisibles aux banques qui ne sont pas des entreprises comme les autres.   

Je n’ai bien entendu pas la prétention de faire ici la synthèse de 8 heures de discussion. Je ne peux que renvoyer à la lecture des contributions. Je voudrais plutôt m’interroger pour conclure, sur les raisons qui font que cette journée laisse un petit arrière-goût d’amertume et de frustration à l’amateur éclairé que j’essaye d’être. Il y a tout d’abord le principe même de ce colloque qui, initialement, devait être réservé aux économistes patentés et qui a été finalement ouvert au grand public. Cela crée inévitablement des décalages entre les attentes des uns et des autres, décalages qui peuvent entrainer une certaine confusion. Il y a ensuite bien évidemment  l’objet même du colloque, la monnaie, qui est sans doute l’un des sujets les plus périlleux à traiter notamment à cause de l’absence de consensus sur la définition de ce qu’est la monnaie et les concepts qui s’y rattachent. Il est cependant très étonnant de constater les divergences profondes de compréhension de certains mécanismes monétaires. Il y aussi des phénomènes psychologiques dont la nature m’échappe totalement et qui font, par exemple,  que quelqu’un comme Sterdyniak arrive à prétendre en même temps que l’épargne est nécessaire comme préalable à l’investissement et qu’elle ne l’est pas. Comment expliquer une contradiction aussi flagrante dans un cerveau aussi brillant ? Enfin, il y a les arrières pensées politiques. Les principaux animateurs des  Economistes Atterrés sont dans leur très grande majorité, membres ou sympathisants d’ATTAC. Or la création monétaire a toujours été un sujet tabou pour l’association altermondialiste comme je l’avais déjà expliqué ici. Il n’est donc pas étonnant que les Economistes Atterrés aient les plus grandes difficultés à aborder sereinement ce sujet.