Je ne ferai pas ici la liste de ce qui, selon moi, sépare les deux personnages, elle serait trop longue. Je me contenterai simplement de remarquer, pour la forme, que leur relation aux médias est radicalement différente et que, autant Lordon les fuit comme la peste, autant Jorion ne manque pas une occasion de s’y faire voir.

Sur le fond il est quand même comique de constater que Jorion vient d’ajouter en bonne position dans sa blogroll, le blog de Lordon, juste au dessus de celui de … Jacques Attali ! Ce même Jacques Attali taillé en pièces – ainsi qu’ Elie Cohen, Nicolas Baverez – par Lordon dans un article de novembre 2008 intitulé "Les disqualifiés". Paul Jorion a soit la mémoire courte, soit il ne connaît pas si bien que cela finalement les positions de ceux dont il se réclame. Rafraîchissons lui la mémoire en citant quelques passages du texte publié dans Le Monde Diplomatique.fr il y a exactement deux ans maintenant.      

"Il y a pourtant mieux que les clairvoyants ; il y a les prophètes. « Dans son rapport commandé par l’Elysée, l’économiste prévenait déjà des dangers de la spéculation financière. » C’est sur cet hommage aux capacités extralucides de Jacques Attali et de son fameux rapport que s’ouvre la double page signée Renaud Dély et offerte (par mégarde ?) par Marianne à l’un des produits multimédias les plus célèbres de France. Mais Dély, qui recueille les oracles d’Attali, a-t-il seulement lu une ligne du rapport qu’il encense ? La question se pose car, faut-il le dire, non seulement le rapport Attali ne compte pas la moindre remarque sérieuse quant aux dangers de la déréglementation financière, mais il n’est qu’une longue ode aux prodiges des marchés de capitaux — et une exhortation à s’y rallier plus complètement encore. "

Et plus loin

"On ne sait trop si Attali a tout prévu de la crise autrement que sur le mode de l’hallucination rétrospective, mais, en janvier 2008 en tout cas, il est d’avis de propulser toute l’épargne des Français sur les marchés financiers — se peut-il que ce soient les mêmes marchés à propos desquels il dit si bien « tsunami » à la télévision ?"

Est-il possible d’envisager des positions plus éloignées l’une de l’autre que celles exposées ici entre Lordon et Attali ? Et sur le sujet particulier des retraites, l’insoutenabilité de l’attitude de Jorion est encore plus flagrante puisque Attali fait partie de ceux que dénonce ouvertement Lordon lorsqu’il accuse nos dirigeants de promouvoir la retraite par capitalisation :

"Le rapport Attali plaide donc ouvertement pour le passage à la capitalisation — « la montée en puissance de l’épargne- retraite individuelle ou collective est donc nécessaire » (p. 213) — au moment précis où les ménages américains, du fait de la crise, voient leurs pensions partir en fumée et quand l’extrême détresse où ils se trouvent ne les a pas déjà forcés à puiser dans leurs comptes-retraite. Quel heureux sens de l’histoire de pousser à la capitalisation en une période où l’on ne tardera pas à voir apparaître les premiers vieux miséreux sur les trottoirs des villes américaines !"

Mais ce n’est pas ce genre de contradictions qui risquent de perturber notre célèbre barbu. Il faut bien vivre, mon bon Monsieur ! Tout ce qui précède n’est qu’un exemple de plus mettant en lumière le genre d’escroquerie intellectuelle à laquelle peut se livrer Jorion et que j’ai dénoncée à plusieurs reprises sur ce blog.