Hommage à Philippe Cohen
Par RST le lundi, 20 octobre 2014, 01:00 - Divers - Lien permanent
Une pensée ce 20 octobre, pour Philippe Cohen, journaliste de combat, disparu il y a exactement un an. Je vous propose ci-après, un texte qu’il avait publié en février 2009 sur le site de Marianne, et qui reste, hélas, plus que jamais d’actualité.
Supplique à Aphatie, Le Monde, Le Nouvel Obs et les autres : oubliez-nous, oubliez les juifs !
Vendredi 6 Février 2009 à 06:58
Un certain nombre de journalistes
se sont abaissés à reprendre l'argumentaire honteux de Bernard Kouchner
insinuant que le livre de Pierre Péan est limite, voire antisémite. Ce sont eux
les vrais fourriers de l'antisémitisme qui vient...
«Les cons ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.» La réplique
d’Audiard dans le film «Les tontons flingueurs» ne s’applique qu’imparfaitement
à l’éditorialiste inconnu (et peu courageux) du Monde (1) et au
célèbre blogueur Jean-Michel Aphatie : en fait, accuser Pierre Péan
d’antisémitisme n’est pas seulement con, c’est dangereux, risqué. Dangereux
pour le débat public, certes. Mais aussi risqué pour les juifs. Nous vivons,
nous, juifs français - et je ne me suis jamais, jusqu’alors autorisé ce nous –
une situation particulière qu’il faut bien comprendre. L’État que beaucoup
d’entre nous portent dans leur cœur s’est rendu coupable d’actes de guerre
révoltants. Il a été écrit partout dans le monde que l’escroc qui a fait de la
cavalerie avec l’épargne de quelques milliers de riches s’appelle Madoff et
qu’il est juif. Personne, dans les médias, ne s’est étonné de ce qu’il ne soit
pas en prison mais beaucoup de gens le pensent et, un jour ou l’autre, de vrais
antisémites le diront. Bref, l’actualité fournit beaucoup d’occasions d’exciter
des rancœurs ou même une haine antijuive.
Juifs donc intouchables ?
Et maintenant Bernard Kouchner.
Honte à lui de s’être servi de la communauté juive comme d’un bouclier humain,
au lieu de s’expliquer pour de bon sur son affairisme évident ! Que les
bien–pensants des rédactions, tous les Aphatie, les Backmann, Jauvert (Nouvel
Observateur ), les Bernard (Le Monde) de toutes les rédactions continuent
à prétendre que demander des comptes ou contester le patriotisme de Kouchner
rappelle Gringoire ou Je suis Partout, et alors, c’est sûr, nous
verrons les vocations antisémites se lever à nouveau dans notre pays.
Qu’il continuent, ces idiots inutiles, gonflés de leurs ego de résistants de la
25° heure, à prétendre qu'évoquer la fortune d'une personnalité est antisémite;
qu'ils persistent à défendre les juifs de cette façon et alors là, oui, ils
rendront un fier service à tous ceux qui veulent montrer que les juifs sont des
intouchables ; qu’« ils » s’abritent toujours derrière la Shoah pour spolier
les Français ou trahir leur pays : qu'«ils» serrent les coudes et forment un
bloc uni et solidaire.
Qu’ils dispensent Bernard Kouchner de vraiment répondre aux critiques émises à son endroit au prétexte qu’elles viennent d’un goy et concernent un juif, alors oui, ils auront suscité, stimulé, provoqué le risque de remontée d’un antisémitisme d’un type nouveau, d’un antisémitisme post-Shoah.
De grâce, Aphatie, Backmann, Jauvert, Bernard et les autres, oubliez-nous, oubliez les juifs. Ils vous en seront reconnaissants.
(1) Je sais bien que l’éditorial non signé est dans la tradition du Monde. Mais quand on accuse implicitement quelqu’un d’être antisémite, il est préférable de signer. Sinon, ça fait lettre anonyme, si vous voyez ce que je veux dire....
(2) Dans son article «Le fond du livre de Péan est-il antisémite?», l'éditorialiste utilise une méthode qui aurait fait la fierté de Vichinsky, le procureur des procès de Moscou : il cite tour à tour trois passages du livre (le premier sur Kouchner se levant pour l'hymne national anglais, le second comprenant l'expression "cosmopolitisme" – il faudra sans doute réécrire l'un des livres les plus fameux de Kant –, et le troisième évoquant Gaza pour conclure, en se mettant dans le cerveau de Péan : «Cet homme ne se lève pas pour la Marseillaise, il « hait » les valeurs de la République, il défend Israël.» Cher Jean-Michel Aphatie, ce procédé qui consiste à rapprocher plusieurs passages d'un ouvrage de 320 pages, a un nom : l'amalgame. Avec votre pauvre texte de 4000 signes, je pourrais aisément me demander si vous ne seriez pas coupable d'un préjugé anti-Breton nauséabond, ou si vous ne souhaitez pas vous racheter d'avoir collaboré, par le passé, à un journal anti-israélien...