Dans un français remarquable, le ministre a tout d’abord analysé la situation des économies capitalistes dites avancées qu’il a caractérisé par un état de "secular stagnation", reprenant là une vision développée par Larry Summers pour décrire des perspectives de croissance faible. Puis il a proposé deux pistes de réflexion pour ébaucher des solutions. La première m’a personnellement réjoui puisqu’il a expliqué que les inégalités de distribution des revenus, au-delà de tout jugement éthique, sont totalement contre productives du point de vue purement économique et qu’il fallait donc s’attaquer à ce sujet pour sortir de la crise. La deuxième manière d’en sortir selon K.Dervis serait de réorienter l’excès d’épargne des pays avancés vers les pays les plus pauvres. Cela permettrait, en investissant dans les pays émergents qui ne disposent pas de suffisamment de financement à long terme, de créer de l’emploi dans les pays développés. Là, j’ai été beaucoup moins convaincu et surtout, je me suis demandé pourquoi diable fallait-il absolument des capitaux étrangers pour permettre aux pays émergents de se développer ? C’est donc la question que j’ai posée durant le cocktail déjeunatoire au ministre, en lui parlant de création monétaire. Et devinez quelle fut sa réponse : « Mais enfin, vous n’y pensez pas ? Vous voulez créer de l’inflation ? » Je me suis alors permis de lui faire remarquer que création monétaire ne rimait pas nécessairement avec inflation, qu’il y avait des conditions préalables comme, par exemple, l’utilisation à 100 % des capacités de production ou pas de chômage. Il a alors mis fort aimablement fin à la conversation en m’indiquant qu’il n’avait fait que des suggestions et que l’économie… c’était compliqué ! 

L’intervenant qui s’exprimait à la suite de K.Dervis fut Jérôme Cazes. Je ne le connaissais pas ce qui ne m’a pas empêché de trouver ses propos fort intéressants. Il a notamment déploré le faible rapport qualité/prix de la finance et s’est interrogé sur les hypothétiques mérites des banques pour accaparer 4 points de PIB mondial en plus ces dernières années. Il a clairement critiqué un système qui ne discrimine plus les risques et que l’on a sauvé en déresponsabilisant les banques. Avec un sens du paradoxe remarquable, il s’est réjoui du pessimisme ambiant, les vraies/grosses crises n’arrivant que quand tout le monde est optimiste ! Il ne voit donc pas de krach dans un avenir proche et pense que le système n’a pas encore atteint ses limites notamment parce qu’il n’y a pas encore d’acteur capable de siffler la fin de la partie, le pouvoir des États ayant nettement reculé. Pronostiquant « un nouveau cycle plus méchant », il énumère les caractéristiques principales de ce que pourrait être le nouveau système : limitation des très grandes banques / séparation de la banque "ennuyeuse" (dépôt) de la banque "amusante" (marché) / responsabilisation des dirigeants / ne pas traiter la finance comme le reste (le secteur des biens et services par exemple) / traiter le problème de démocratie et notamment le fait que les gens de l’intérieur [du système] ne posent pas les bonnes questions.

D’autres intervenants comme D.Plihon ou J.Généreux bien que n’ayant pas démérité, ne m’ont pas paru tenir des propos nécessitant un compte rendu, car conformes à ce qu’ils ont pu dire ou écrire par ailleurs. Je préfère terminer sur Nicolas Dungan, Senior Advisor à l’IRIS dont le français impeccable n’a pu dissimuler la vacuité du propos à base de "travaillons tous ensemble" et "mettons fin aux querelles", persuadé sans doute que le prochain système dont il était question dans ce colloque aurait à voir avec le monde des bisounours. Il semblait en tous les cas persuadé de l’importance de ce qu’il avait à dire puisqu’il a cru bon, pour notre plus grand malheur, de prendre la parole à plusieurs reprises.