Maastricht : naissance d’un critère
Par RST le mardi, 23 novembre 2010, 19:17 - Macroéconomie - Lien permanent
C’est un témoignage qui date un peu maintenant sur l’échelle de temps d’internet, et qui n’a pas, sauf erreur de ma part, eu un grand retentissement. Et pourtant, si ce n’est pas un canular – ce que l’on peut tenir pour acquis, compte tenu de la respectabilité de la source qui le publie – il est extrêmement intéressant en ce qu’il révèle de la réalité du fonctionnement de nos institutions et de la tambouille qui se prépare dans les couloirs des ministères, à l’abri des regards mais pas des considérations politiciennes. Guy Abeille, chargé de mission au ministère des Finances sous Giscard puis au début de l'ère Mitterrand révèle comment est né le sacro-saint ratio de 3% du PIB pour les déficits publics. Il nous explique les circonstances qui ont fait qu'un calcul à la demande, monté faute de mieux un soir dans un bureau, sans aucun contenu, simple fruit des circonstances, est devenu paradigme.
Nous découvrons au travers de la plume alerte du chargé de mission, que le critère des 3 % est en fait né en 1981 d’une "commande" du Président Mitterrand qui souhaitait disposer "d'une règle, simple, utilitaire, mais marquée du chrême de l'expert, et par là sans appel, vitrifiante, qu'il aura beau jeu de brandir à la face des plus coriaces de ses visiteurs budgétivores ". Car la guerre des chiffres, et donc leur manipulation au travers de l’établissement des prévisions budgétaires, fait rage et décide, en partie, du résultat des élections. L’expert discipliné se met alors à l’œuvre et constate après réflexion que, d’une part, "le déficit (…), ça parle à tout le monde: être en déficit, c'est être à court d'argent " et que d’autre part," la bouée tous usages pour sauvetage du macro-économiste en mal de référence, c'est le PIB". Donc ce sera le ratio déficit sur PIB. Ainsi est né ce qui fera plus tard l’objet de toutes les attentions, malgré le peu de pertinence du machin. Quant à son étalonnage, il sera lui aussi de circonstance, un rapide calcul avec les chiffres de l’époque donnant un rapport proche de 3 %. Et "trois est un chiffre solide; il a derrière lui d'illustres précédents (dont certains qu’on vénère) ".
Il ne restera plus ensuite qu’aux Fabius, Delors et autres Mauroy à marteler que 3 % du PIB est le marqueur d’une politique maitrisée des finances publiques pour que ce "chiffre d’expert" passe à la postérité au travers du traité de Maastricht. Ses concepteurs prirent tout simplement ce qu’ils avaient alors sous la main, faute de mieux !
Guy Abeille peut ainsi fièrement et ironiquement revendiquer la paternité de cette invention à l’origine de bien des absurdités économiques décidées par nos élites, absurdités qui sont responsables, pour partie de la situation tragique que nous connaissons :
"Le petit calcul discutable, mais malin, et tout de circonstance que nous avons commis un soir (…) est maintenant devenu une norme publique, qui vaut principe, affiché, assumé, presque revendiqué, pour la conduite du gouvernement. Assurément, un succès assez rare."