Le livre que les économistes n'ont pas du aimer…
Par RST le dimanche, 9 mai 2010, 20:45 - Notes de lecture - Lien permanent
… pour peu qu’ils l’aient
lu ! C’est "L’illusion économique", pas celle d’Emmanuel Todd
(même si ce livre-là non plus ils, n’ont pas du l’aimer) mais celle de Bernard
Guerrien. Le professeur d’économie, mathématicien de formation, s’interroge sur
ce que l’on sait en économie. Et sa réponse est sans ambages : rien, ou si
peu ! Facile me direz-vous par les temps qui courent, de se payer les
économistes. Effectivement, ça en devient même lassant. Mais le gros mérite de
B.Guerrien est de le faire intelligemment et de façon argumentée, en prenant
des exemples précis et pertinents, pour montrer en quoi les théories proposées
ne tiennent pas la route, de l’improbable loi de l’offre et de la demande, à
l’introuvable équilibre général, en passant par la relation quantitative de la
monnaie que l’on ne sait par quel bout prendre.
B.Guerrien pose le décor sans fioritures et, ce faisant, répond à une question que j’avais déjà eu l’occasion de me poser, à savoir y-a-t-il des lois en économie ?:
« Il n’existe pas, en fait, de relation suffisamment générale et précise qui pourrait figurer dans une liste indicative sur ce que l’on sait en économie avec un certain degré de certitude, une relation qui pourrait être utilisée sans trop de réserves dans des contextes plus larges ou relativement différents de celui dans lequel il a été établi. »
Mais cela ne l’amène pas à conclure que nous sommes impuissants. On peut et on doit réfléchir, et il n’ y a pas besoin d’être économiste pour cela :
« Il existe toutefois un autre type de savoir, qui découle de l’utilisation du simple bon sens associé à certaines constatations que chacun peut faire après avoir un peu observé la société autour de lui, à commencer par ses institutions et leur façon de fonctionner. N’importe qui peut donc acquérir ce savoir, pourvu de faire l’effort d’aller au-delà des apparences, qui peuvent parfois s’avérer trompeuses, au point que des économistes eux-mêmes tombent dans le panneau, comme on a souvent l’occasion de le constater. Le caractère largement accessible de ce savoir ne l’empêche pas d’être important, y compris pour chacun d’entre nous, puisqu’il porte sur des objets comme la monnaie ou sur des questions comme la mondialisation, les retraites ou la dette de l’Etat, qui nous concernent tous de près ou de loin dans notre vie quotidienne, ou en tant que citoyens impliqués dans la vie de la cité. »
En fait, l’économie – et donc les économistes – peuvent -être utiles pour éviter les erreurs grossières, les idées reçues, les mauvaise interprétations. Ils nous renseignent d’avantage sur ce que l’on ne sait pas que sur ce que l’on croit savoir :
« (…) on peut considérer que ce que l’on sait avec certitude en économie est bien maigre. En fait, ce savoir se présente sous la forme de propositions négatives : non, la monnaie ne se réduit pas aux seules pièces et billets ; non, la dette publique n’est pas forcément un fardeau pour les générations futures ; non, la capitalisation ne permet pas de résoudre le problème du poids croissant des inactifs ; non, on ne gagne pas, en moyenne, en spéculant à la Bourse ; non, la mondialisation ne va pas envahir tous les secteurs de l’économie, au point de faire de nous une nation de chômeurs vivant d’on ne sait trop quoi. »
On peut ne pas être d’accord avec tout ce qu’écrit B.Guerrien – son analyse de la mondialisation par exemple, ne m’a pas totalement convaincu – mais il faut lui reconnaitre le mérite de poser les bonnes questions. Et surtout, son objectif n’est pas de discréditer l’économie pour le plaisir mais plutôt d’en montrer les limites importantes, en appelant les économistes à jouer leur rôle qui reste fondamental, celui d’éviter de nous tromper systématiquement !