17 milliards à main levée

Par Nicolas Dupont-Aignan le mardi, mai 4 2010

Cette nuit, à 1H30 du matin, par un vote à main levée, le gouvernement, l’UMP et le PS ont engagé les Français pour 16,9 milliards d’euros dans un plan dit de sauvetage de la Grèce. Un plan que j’ai qualifié de « sabordage », tant il est surréaliste, défiant toute rationalité économique et sociale. Si Jean-Pierre Brard, Charles Amédée de Courson et moi-même n’avions pas été présents dans l’hémicycle, le vote de la loi de finances rectificative, engageant la France et débloquant une première enveloppe de 3,9 milliards d’euros, aurait été obtenu en moins de deux heures. Je recommande aux internautes de visionner les images de cette soirée pour comprendre la déchéance de notre démocratie, les ravages du bipartisme, l’inculture économique ou alors le don de dissimulation du gouvernement comme de l’opposition, et surtout le poids du lobby bancaire ! Car, en effet, comme l’a très justement noté de Courson, le contribuable se substitue une fois de plus aux banques. Les prêts, qui seront en toute hypothèse indéfiniment prolongés pour prévenir le défaut de paiement, permettront à la Grèce de rembourser les banques imprudemment engagées dans ce pays.

Lorsque la Grèce dans 1, 2, ou 3 ans s’avèrera incapable de rembourser, surtout après la crise d’austérité imposée, ce seront les autres Etats européens qui devront digérer le rééchelonnement de la dette grecque, ce pour épargner aux banques les conséquences de leur imprévoyance !

Le gouvernement a bien été incapable de répondre à cette interpellation. De même, Mme Lagarde n’a pas été en mesure de me citer des pays comparables à la Grèce qui pourraient redresser leurs finances sans dévaluer ! Pour toute réponse, elle a mentionné la Suède, le Canada et la Corée, des pays à la structure économique sans rapport avec la Grèce et surtout, pour les deux premiers, qui peuvent jouer de leur monnaie.

Tout au long de ce débat, je me suis interrogé sur le fait de savoir si le gouvernement était incompétent, dissimulateur ou les deux à la fois. Dans tous les cas, la conséquence est la même : des souffrances toujours plus grandes imposées aux peuples d’Europe, un retard cumulatif dans la guerre économique mondiale qui nous oppose à la Chine et aux Etats-Unis (qui, eux, profitent d’une monnaie souple et fiable pour investir), des difficultés sociales croissantes et la résurgence des nationalismes. La cause est toujours la même : la religion aveugle de l’euro, cette ligne Maginot monétaire à l’abri de laquelle on prétend être protégé de tout, et l’angélisme – ou une coupable résignation – face à l’attitude de l’Allemagne.

En cette séance nocturne, j’ai pu voir grandeur nature à quel point, une fois de plus dans sa longue histoire, la France n’est plus vraiment gouvernée ! Le gouvernement qui, comme de juste, a pu compter sur une opposition totalement solidaire de cette politique au fil de l’eau, cette dernière assortissant comme d’habitude son satisfecit de desideratas tous plus hypocrites les uns que les autres. L’hypocrisie, une spécialité où le PS est passé maître, lui qui avait déjà fait mine en février 2008 de défendre le référendum pour ratifier le traité de Lisbonne tout en le votant au Congrès « au nom de l’intérêt européen »…

Plus que jamais, j’ai ressenti le devoir qui est le nôtre d’alerter l’opinion et d’offrir une autre voie.

Compte tenu de la gravité de la situation, comment ne pas voir un clin d’œil de l’Histoire en constatant que, parmi les rares voix qui se sont apparemment élevées à l’Assemblée Nationale au côté de Dupont-Aignan pour dénoncer le sabordage en cours figurent, non seulement un élu apparenté communiste (Jean-Pierre Brard), mais surtout Charles Amédée de Courson, dont le grand-père maternel fut l'un des 80 parlementaires à avoir refusé les pleins pouvoirs à Pétain, en 1940 ?

On me reprochera peut-être des comparaisons historiques hasardeuses en prétendant que j’exagère et que nous ne sommes pas dans le même type de contexte. Je souhaite me tromper mais reste persuadé qu’il est important que les citoyens, au-delà des clivages partisans, prennent conscience que la situation est grave, que les "sacrifices" et les "efforts" que l’on se prépare à nous demander à terme, comme aux Grecques, pour réparer les ravages causés par le monde de la finance ne seront pas supportables bien longtemps et que nous allons devoir affronter de graves turbulences.

C’est exactement ce que dit Jean-Luc Mélenchon dans l’excellente émission d’Arrêt sur image au cours de laquelle il  promet à l’économiste  Marc Touati, pas tout à fait rassuré, de lui faire subir à lui et à ses congénères le même genre de supplices qu’en 1789 :

« Moi ma crainte c’est qu’ils [les agences de notation] viennent sur la France. Je vais vous dire, je considère que je suis un élément de dissuasion. Pas Mélenchon, les gens comme moi. Parce que si vous créez le bazar dans ce pays à vouloir faire payer le peuple français ce que vous êtes en train de faire payer par les grecques, vous allez tomber sur des gens comme nous. Et les gens comme nous  feront ce qu’il faut. »

Et plus loin :

« Si les banques s’attaquaient à nous, il y aurait des représailles. Je sais quel effet je veux produire et je suis content de l’avoir produit sur vous. Je veux vous foutre la trouille à vous et aux autres. Je souhaite que la France aille tranquillement son chemin. Je n’accepterai pas que les banques viennent lui sauter à la gorge et je ne ferai pas le Papandréou de service. Je ne dirai pas les français n’ont rien fichu, ce sont des fainéants. Je dis la France est en bonne santé, il y a bien des choses à corriger dedans. Il faut prendre plus d’argent aux riches, il faut augmenter les recettes de l’Etat, … »

Si nous voulons limiter les dégâts, il serait bon de ne pas, une fois de plus, répéter les erreurs du passé en ignorant les voix de ceux qui comme Dupont-Aignan (ou, dans un autre genre, Mélenchon), nous appellent à réagir avant qu’il ne soit trop tard.