Rappelons d’abord qu’à l’origine, comme l’écrit Louis-Albert Dubois en introduction de sa thèse "La fin de l’union monétaire latine" publiée en 1950 – qui a très largement inspiré ce billet –, cette Union eut pour cause les fluctuations du marché des métaux précieux (créées notamment par la découverte et la mise en exploitation des mines d'or de Californie et d'Australie et aussi par la guerre Sécession)  qui vinrent troubler la circulation monétaire de l’Europe occidentale.

Le but pratique de l’Union était le rétablissement de l'intercirculation des monnaies divisionnaires d'argent (…) puis l'uniformisation des poids,  mesures et monnaies. L'Union était considérée comme un premier pas vers l’unification universelle des monnaies."

Dubois distingue trois principes fondamentaux qui ont présidé au fonctionnement de l’Union : le bimétallisme, l’intercirculation et l’union ouverte. On ne s’étendra pas ici en détail sur ces principes qui demandent un peu de concentration pour en saisir toutes les subtilités liées notamment aux caractéristiques du bimétallisme et à l’existence de monnaies nationales ayant « cours légal », « cours officiel » ou encore « cours officiel étendu aux banques d’émission » dans les pays membres. Je préfère insister sur les points qui peuvent avoir une certaine résonance avec la situation actuelle ou qui s’en distinguent très nettement.
Il apparaît rapidement que les deux systèmes ont en réalité très peu de choses en commun. Ainsi, notre thésard souligne-t-il que l’histoire de l’Union fut l’histoire des variations des valeurs des métaux précieux et des cours des changes. Ces deux aspects fondamentaux dans l’Union latine ont disparu dans l’Union Européenne actuelle et l’on ne peut que s’en réjouir. Mais il est un aspect qui n’a pas échappé à Dubois c’est que, malgré l'existence de l’Union, les monnaies des Etats membres conservèrent leur propre destinée, liée à leur situation économique générale. Et cela, visiblement, les concepteurs de l’actuelle union l’ont oublié, feignant de croire qu’une monnaie unique était viable dans des pays aux situations économiques très différentes. Funeste erreur.
On se rend compte à la lecture de la thèse de Dubois que les événements, et notamment la guerre de 1914, finirent par avoir raison des règles imposées par la Convention monétaire, que certains d’ailleurs, comme le professeur Janssen, jugeaient contre nature en expliquant qu’ "en matière monétaire il est bien difficile, de réagir par des textes légaux contre la force des choses" Et Dubois de rajouter que "Ce jugement a pour nous la valeur d'une loi économique." Les similitudes sont assez évidentes ici avec les contraintes imposées par les traités européens (niveau d’inflation, de déficit, …) sur la base de critères arbitraires qui volent en éclat à la première crise mais qui ont néanmoins pour conséquences d’imposer un carcan législatif qui ne fait qu’empirer la situation. D’autres aspects du fonctionnement de l’Union font écho à la situation actuelle. Ainsi la Suisse fut-elle accusée de « parasitisme monétaire ». On pense aujourd’hui à l’Allemagne qualifiée par certains de « passager clandestin ». La question de la remise en cause de la Convention se posa aussi et fut l’objet de débats entre ceux qui pensaient, en accord avec le code civil français, qu’ "On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties plutôt que de  s'arrêter au sens littéral des termes" et ceux qui maintenaient qu’en matière de traités internationaux, c'est toujours la lettre qui a fait loi et non l'esprit. 

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, peut-être à l’occasion d’autres articles, tant cette thèse est riche d’information sur les systèmes monétaires de l’époque et leurs évolutions. Si il est clair qu’à la question du lien de parenté entre les deux systèmes, on peut répondre par la négative, il est aussi évident que les leçons à tirer de l’expérience passée sont nombreuses et … ignorées, comme le montrent ces quelques citations qui n’ont visiblement pas été prises en compte par nos dirigeants :

" L'expérience nous a instruits: s'il est un domaine dans lequel les conventions internationales sont non seulement inutiles mais encore inséparables de gros inconvénients au point de vue économique, c’est incontestablement celui de la législation monétaire"

Cela a été écrit en 1930 !
Et plus loin :

"L'unification politique, répète-t~on, doit précéder l'unification monétaire."

Visiblement, cela n’a pas assez été répété !