Robert Dautray
Par RST le mercredi, 20 mai 2009, 19:05 - Les seconds rôle de l'Histoire - Lien permanent
Dans la série des seconds rôles
de l’Histoire que j’ai entamée récemment, je voudrais vous parler de Robert
Dautray. Savant discret, inconnu du grand public, il est le « père » de la
bombe H française. Je l’ai croisé au cours de mes lectures sur De Gaulle, et ce
qui a retenu mon attention ne sont pas tant ses prouesses techniques mais la
manière dont il a réussi, malgré les difficultés, à devenir un scientifique de
premier plan.
Son histoire est parfaitement résumée par Alain Peyrefitte :
Je réunis régulièrement dans mon bureau le « Comité
H ».
Je sens qu’ils butent. D’une séance à l’autre, ils n’avancent pas.
Chacun des scientifiques qui manie la craie sur le tableau noir me parait
enfermé dans sa spécialité. L’histoire des sciences m’a appris que la plupart
des découvertes ont été faites en regardant par-dessus le mur du voisin, par
des intelligences fraîches, aptes à ne pas se laisser emprisonner par les idées
dominantes.
J’ai conté ailleurs comment j’ai demandé à l’un de mes conseilles
scientifiques d’essayer de dénicher l’home de synthèse, l’esprit vierge, qui
nous manquait ; comment il le découvre en Robert Dautray ; comment
j’ai été séduit par ce garçon exceptionnel qui, obligé pendant la guerre, où
ses parents avaient été déportés à Auschwitz, de se réfugier comme berger dans
les Causses, avait été assez doué pour se préparer au bachot tout en gardant
ses moutons, puis être reçu premier, d’abord aux Arts et Métiers, ensuite à
Polytechnique ; comment je l’ai fait nommer directeur scientifique de la
Direction des applications militaires ; comment l’introduction de cet
élément extérieur dans l’équipe de Limeil, bouleversant les chasses gardées et
les situations acquises, a provoqué des drames.
Dans un entretien avec Ouest France.fr, il précise que travailler sur « la bombe de la France » ne lui a pas posé de cas de conscience. Il n'a jamais oublié la Shoah, les six millions de victimes, ces camps de la mort, alliance, dit-il, de l'industrie et de la science vouée à la destruction en masse d'êtres humains. « Leur non-violence les a menés à la mort. L'être humain est obligé de se défendre, mais il est aussi appelé à pardonner. Pas de paix sans pardon. » Et il ajoute : « Le pardon, oui, pour ceux qui sont encore là et qui le peuvent. En ce qui me concerne, je le peux toujours. »
- Ouest France.fr
- C'était de Gaulle (A.Peyrefitte)
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