Pays pauvres, pays riches, riches des pays pauvres et pauvres des pays riches
Par RST le vendredi, 2 octobre 2009, 20:36 - Macroéconomie - Lien permanent
Après un dossier spécial sur le protectionnisme dans l’édition de Juin, Alternatives Economiques récidive dans l’édition de Septembre avec un article d’Arnaud Parienty intitulé "Protectionnisme ou libre-échange" qui ne devrait pas rester dans les annales. Si j’en parle ici, c’est à cause d’une phrase que je trouve proprement ahurissante. Pour que le libre-échange (qu’il appelle pudiquement "ouverture") fonctionne correctement, le professeur agrégé de sciences économiques et sociales indique qu’il est nécessaire que la concurrence soit loyale. Jusque-là, on peut considérer que tout va bien, on reste dans le classique. Il admet alors qu’une certaine forme de protectionnisme peut apparaître justifiée pour lutter, par exemple, contre le dumping social bien que, selon lui, accrochez-vous au fauteuil, "(…) il ne serait pas forcément juste d’imposer aux pays pauvres les normes sociales des pays riches".
L’interprétation de cette phrase
pourrait être discutée si elle n’avait pas été introduite par ce qui suit et
qui ne permet plus d’entretenir le moindre doute : "(…) il est difficile de parler de déloyauté à propos de choix de
société différents ". Arnaud Parienty a visiblement une
conception particulière de la justice que je ne partage certainement pas. Peut-on
décemment considérer l’esclavage moderne pratiqué dans certaines régions du
globe comme un "choix de société" ? En fait, la question ne se
pose pas seulement en termes de pays mais surtout en termes d’individus.
Peut-on vraiment considérer comme "injuste" toutes les mesures qui
seraient prises pour faire en sorte que les habitants des pays dits pauvres
bénéficient de conditions de travail décentes, d’une protection sociale digne
de ce nom et de pensions de retraites suffisantes, à l’instar de certains pays
dits riches ?
Je serais curieux de savoir ce
que pense Arnaud Parienty, en termes de justice, de l’imposition à certain pays
pauvres des fameux ajustements structurels qui conditionnaient les aides
apportées par les pays riches, à travers les institutions financières
internationales, et qui ont occasionné tant de dégâts. Il ne me semble pas que
l’on ait eu beaucoup d’état d’âme avant d’appliquer aux "pays
pauvres" les règles économiques des "pays riches" définies par
ce qui a été appelé le consensus de Washington et dont l’efficacité a largement
été remise en cause, y compris par la Banque mondiale.
Enfin je crois, qu’il va falloir un jour regarder le monde tel qu’il est et poser les problèmes non plus seulement en termes de pays pauvres ou riches mais aussi en termes d’individus et parler des riches des pays pauvres et des pauvres des pays riches pour imaginer les mesures efficaces qui permettront une amélioration du niveau de vie pour tout le monde. Car hélas, dans les pays riches, les normes sociales ne sont pas valables pour tous !