Tout commence avec l’arrivée à échéance du plan d’épargne et la réception d’un chèque dont le montant ne correspondait pas à ce à quoi je m’attendais. Je considérais que l’on me devait encore de l’ordre de 150 €. Trois mois et une vingtaine d’échange de correspondance plus tard, n’ayant pas réussi à obtenir gain de cause, je décidais de faire valoir mes droits et saisissais donc le Tribunal d’Instance. A noter en passant l’inutilité totale de l’assistance juridique adossée au contrat Multirisque Habitation que proposent les assurances. La mienne, après avoir soigneusement consulté le dossier, s’est défilée en me confirmant couvrir les litiges de nature "délictuelle" mais pas ceux de nature "contractuelle". Soit ! Plus étonnant encore, l’AMF (Autorité des marchés financiers) qui veut bien faire acte de médiation mais qui précise dans sa charte qu’elle ne peut intervenir si une action judiciaire a été engagée mais surtout, que ses propositions ne peuvent être utilisées devant les tribunaux. Autant pisser dans un violon…

Pour en revenir à mon action en justice, mon premier sujet d’étonnement, fut la rapidité avec laquelle ma demande a été prise en compte. J’avais à l’esprit des descriptions cauchemardesques du fonctionnement des tribunaux  qui imposaient des délais rédhibitoires. Or moins de 5 mois s’écoulent entre ma saisie et l’audience publique de la Juridiction de Proximité.

Deuxième sujet non pas d’étonnement mais d’inquiétude celui la, l’avertissement très clair  contenu dans le premier courrier reçu de la part du greffier du Tribunal d’instance : mon adversaire (la banque responsable de l’opération et non mon entreprise) pourra "demander à mon encontre des dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu’une prise en charge qu’il aura été contraint d’exposer pour se défendre". Diantre ! Dans quel guêpier m’étais-je donc fourré ? Le sentiment de profonde injustice, d’abus de pouvoir qui m’habitait, renforcé par le désir plus ou moins conscient de combattre le capitalisme, de m’attaquer à l’un de ses fleurons, me fit oublier temporairement mes craintes et je me lançais bravement dans la bataille.

Je ne me souviens plus vraiment du déroulement de l’audience publique de la Juridiction de Proximité. Si j’avais su qu’un jour, je raconterai cela sur un blog, j’aurais pris des notes ! Je me rappelle cependant de l’attitude hostile de la greffière et de la crainte qui m’a saisi quand Madame le juge m’a confirmé que je courrais le risque d’être condamné aux dépends. J’ai alors, sentant que la partie se présentait mal, lâchement proposé d’en rester là. Naïf que j’étais, on ne dérange pas la justice impunément. Le processus devait  suivre son cours.  L’avocat de la partie adverse n’a pas eu à faire d’effort particulier. Ma totale inexpérience et ma grande naïveté ont suffit.

Deux mois plus tard, la juridiction de proximité statuait donc publiquement par jugement contradictoire et en dernier ressort, en ayant vu l’article qui va bien du Code civil, et elle me déclara « mal fondé en mon action » et me « débouta de mes demandes ». Elle a aussi, fort heureusement « débouté »  la partie adverse de sa demande fondée sur l’article 700 du Nouveau code de procédure civile, demande qui, si elle avait été acceptée, m’aurait tout de même coûté 200 €. Je reste cependant convaincu que mon cas aurait pu connaitre un sort meilleur si au lieu de me concentrer sur la remise en cause du bien fondé des retenues fiscales à l’origine de ma réclamation, je m’étais attaché à contester leur montant en donnant des éléments de comparaison avec d’autres opérations du même genre. Le texte du jugement le reconnait implicitement qui dit que je ne contestais pas "le montant dudit impact, mais son principe". J’ai essayé de rattraper le coup après l’audience (provoquant l’ire du défendeur qui s’indigna que j’ose revenir sur l’affaire pour laquelle la juge m’avait quand même consacré ¾ d’heure de débat)  mais les documents que je produisis alors ne furent pas pris en considération. C’était trop tard.

Cette aventure fut l’occasion de découvrir l’institution judiciaire. Je reste tout de même surpris, agréablement je dois l’avouer, que ma requête ait été prise en considération et traitée relativement rapidement (en tout environ 7 mois seulement). D’un  autre côté, je comprends qu’il puisse y avoir encombrement dans les tribunaux si des cas aussi insignifiants que le mien se multiplient. Mais ma plus grande surprise vient du fait que, bien que la juridiction de proximité ait conclu en disant que "les dépends seront supportés" par … moi,  et bien, à mon grand soulagement, je n’ai rien eu à payer. Or sauf erreur de ma part, les dépends ce sont d’après la  définition glanée sur le web,  les "frais de justice engagés pour un procès. Ils comprennent notamment les droits de plaidoirie, les frais de procédure dus aux avocats, avoués, huissiers de justice, experts judiciaires." Et c’est "l’avocat de la personne qui a obtenu la condamnation de son adversaire aux dépens [qui]  établit la liste des frais qui ont été engagés et la présente à l’avocat adverse pour paiement." Or à ce jour, ne le dites à personne, mais je n’ai toujours pas reçu la note !
Quelque chose a du m’échapper qui fait que le fonctionnement de la Justice restera malgré tout mystérieux à mes yeux.