Monnaie et vie éternelle
Par RST le mercredi, 4 février 2009, 20:33 - Monnaie - Lien permanent
Je vous propose de découvrir (ou redécouvrir) de toute urgence les deux excellentes émissions (n°67 & n°68) de Des Sous… et des Hommes de Pascale Fourier (sur ALIGRE FM) consacrées à la monnaie avec Jean-Marie Harribey (Professeur d'économie à Bordeaux IV) enregistrées fin 2003. En attendant d’aller les écouter ou les lire directement sur le site de P.Fourier (ce que je vous recommande instamment), je vous propose ci-après un petit résumé.
Passant en revue les différentes
fonctions de la monnaie (unité de compte, instrument d’échange, instrument
d’accumulation et instrument de réserve) Jean-marie Harribey s’attarde sur les
deux dernières pour en souligner l’importance. C'est Marx, nous dit-il, qui a
mis en évidence ce processus d'accumulation qui naît de l'exploitation de la force de travail d'autrui et qui
transforme la monnaie en capital, ce qui lui confère une dimension politique et
sous-tend une certaine forme de violence. L’autre aspect important de la
monnaie est sa fonction d’instrument de réserve. Une fois encore c’est à Marx
que l’on doit les premiers développements mais c’est surtout Keynes qui a étudié cette dimension
en montrant que, contrairement à ce que croyaient les théoriciens de l'économie
que l'on appelle les classiques (Adam Smith, Ricardo, Jean-Baptiste Say, …) la
monnaie peut être désirée pour elle-même (et pas seulement pour sa fonction
d’échange), et donc thésaurisée. La conséquence de cela est que les crises de surproduction sont possibles puisqu’ une
partie des revenus qui aurait dû se porter en pouvoir d'achat, ne le fait pas,
engendrant alors un excédent de l'offre
par rapport à la demande.
L’interview se termine sur l’analyse
de la dimension anthropologique de la
monnaie en faisant appel à Freud. La soif d’accumulation de l’homme serait une
tentative de réponse à l’angoisse terrible de la condition humaine, l’angoisse
de la mort. Grace à l’accumulation, cette angoisse morbide pourrait être sinon
éliminée, du moins éloignée.
En six ans d’existence et un
petit peu plus de deux cents émissions, Pascale Fourier n’a consacré qu’une
seule émission (en deux parties) sur le sujet de la monnaie. Pourtant, « La
monnaie est une question centrale dans la vie économique moderne. C'est une
question centrale dans la théorie économique ». Ce n’est pas moi qui
le dit (même si je le pense très fort) mais Jean-Marie Harribey.Qu’une émission aussi
remarquable n’ait pas consacré plus de temps à ce sujet ne
peut que pousser à s’interroger encore et encore sur ce dossier mystérieux que
constitue la monnaie et la façon dont on la prend en compte dans nos sociétés.