Passant en revue les différentes fonctions de la monnaie (unité de compte, instrument d’échange, instrument d’accumulation et instrument de réserve) Jean-marie Harribey s’attarde sur les deux dernières pour en souligner l’importance. C'est Marx, nous dit-il, qui a mis en évidence ce processus d'accumulation qui naît de l'exploitation  de la force de travail d'autrui et qui transforme la monnaie en capital, ce qui lui confère une dimension politique et sous-tend une certaine forme de violence. L’autre aspect important de la monnaie est sa fonction d’instrument de réserve. Une fois encore c’est à Marx que l’on doit les premiers développements  mais c’est surtout Keynes qui a étudié cette dimension en montrant que, contrairement à ce que croyaient les théoriciens de l'économie que l'on appelle les classiques (Adam Smith, Ricardo, Jean-Baptiste Say, …) la monnaie peut être désirée pour elle-même (et pas seulement pour sa fonction d’échange), et donc thésaurisée. La conséquence de cela est que les crises de  surproduction sont possibles puisqu’ une partie des revenus qui aurait dû se porter en pouvoir d'achat, ne le fait pas, engendrant  alors un excédent de l'offre par rapport à la demande.
Après avoir signalé que le rôle des institutions monétaires est de veiller à ce que l'évolution de la production soit suivie de l'évolution de la quantité de monnaie qui circule, Jean Marie Harribey nous explique que l’augmentation de cette quantité de monnaie est indispensable à la dynamique du capitalisme. En effet, les détenteurs de capitaux avancent les ressources nécessaires à la production  puis récupèrent ces avances lors de la vente de cette production. Mais pour qu’il y ait du profit, il faut que la quantité de monnaie ait augmenté. Et c’est là  qu'intervient la fonction bancaire, la fonction du crédit, en injectant de la monnaie. C'est ce qu'on appelle la « création monétaire ». Le système bancaire, par le crédit, anticipe le surplus qui va naître de la nouvelle activité économique et va donc permettre à l'accumulation de se réaliser. C’est cette dernière fonction d’accumulation sans limite qui pose problème puisque pour la satisfaire, il a fallu procéder à une compression drastique des coûts salariaux qui a entrainé les problèmes économiques et sociaux que nous connaissons.
L’interview se termine sur l’analyse de la  dimension anthropologique de la monnaie en faisant appel à Freud. La  soif d’accumulation de l’homme serait une tentative de réponse à l’angoisse terrible de la condition humaine, l’angoisse de la mort. Grace à l’accumulation, cette angoisse morbide pourrait être sinon éliminée, du moins éloignée.
Il est intéressant de noter que J.M. Harribey se montrait relativement optimiste à l’époque (nous sommes fin 2003) sur la possibilité  de lutter contre la libéralisation de l’économie capitaliste mondiale aux travers des mouvements sociaux. Il semblerait que, sur ce point particulier, il n’ait pas vu juste…tout du moins pas encore !

En six ans d’existence et un petit peu plus de deux cents émissions, Pascale Fourier n’a consacré qu’une seule émission (en deux parties) sur le sujet de la monnaie. Pourtant,  « La monnaie est une question centrale dans la vie économique moderne. C'est une question centrale dans la théorie économique ». Ce n’est pas moi qui le dit (même si je le pense très fort) mais Jean-Marie Harribey.Qu’une émission aussi remarquable  n’ait  pas consacré plus de temps à ce sujet ne peut que pousser à s’interroger encore et encore sur ce dossier mystérieux que constitue la monnaie et la façon dont on la prend en compte dans nos sociétés.