« La monnaie ne présuppose pas l’existence préalable de marchandises. Elle ne présuppose pas non plus l’existence d’individus autonomes qui nouent entre eux des contrats. Elle n’est pas une créature de l’Etat. Notre hypothèse est que la monnaie est un rapport d’appartenance des membres d’un groupe social à ce groupe entier. Ce rapport est appelé confiance. Si tel est le sens ultime de la monnaie, celle-ci est le ciment de société très diverses, avec ou sans Etat, avec ou sans marchés. Mais les formes par lesquelles la confiance s’exprime, se détériore et se reconstitue, sont profondément hétérogènes selon les types de société dans lesquelles on étudie des événements critiques » 

« La frappe du métal par l’atelier monétaire a la même logique que l’émission d’une banque centrale en contrepartie des titres qu’elle accepte. Dans les deux cas, il s’agit d’une dette réciproque entre émetteur de monnaie et le bénéficiaire qui est crédité de moyens de paiement en contrepartie des avoirs qu’il a cédés. Dans les deux cas, l’institut d’émission peut tirer un bénéfice appelé seigneuriage de cette opération. Le taux et le montant du seigneuriage résultent d’une combinaison des besoins de l’Etat, de la régulation de la monnaie en circulation et de la préférence pour la liquidité des utilisateurs. »

« On sait que la théorie de l’économie pure s’est complètement coupée des sciences sociales pour adopter une démarche purement normative. Ce faisant, elle a abandonné le terrain scientifique. C’est sans doute dans l’intelligibilité de la monnaie que le divorce est le plus complet. L’hypothèse de la théorie économique, selon laquelle l’échange marchand est premier – la monnaie procédant de l’échange pour en améliorer l’efficacité en réduisant les coûts de transaction –, ne peut-être plus éloignée des connaissances accumulées par l’anthropologie et par l’histoire »

« Les rapports de change entre monnaies sont devenus des relations internationales »

« Puisque la monnaie est toujours lié à un système de dettes, et qu’elle est elle-même une dette d’ordre supérieur, la confiance dans la monnaie implique que la hiérarchie des dettes soit respectée »

« C’est (…) dans la mise en cause du lien de confiance que l’on trouve la généralité des crises monétaires. C’est pourquoi elles sont aussi des crises sociales et politiques. Elles rappellent que la monnaie fait société et que l’Etat doit être légitime pour préserver les règles qui l’instituent. Aussi diverses que soient les causes des crises, leur forme est toujours dans la déflation ou l’inflation. Il en est ainsi parce que le pivot des relations entre finance et monnaie est la liquidité. »

« (…) le déchaînement de l’individualisme porté par l’expansion des marchés est le ferment d’une désagrégation des solidarités civiles sur lesquelles se dressent les dictatures de tout poil »