La monnaie, une question de confiance
Par RST le samedi, 1 mai 2010, 10:43 - Citation - Lien permanent
J’ai déjà eu l’occasion de parler de l’ouvrage collectif "La monnaie dévoilée par ses crises" publié sous la direction de Bruno Théret pour qui " la monnaie est (…) à la fois un langage spécifique (le système de compte), un objet (les instruments de paiement) et une institution (les règles de monnayage) ". Je vous propose ci-après un certain nombre de citations extraites de l’un des textes " Universalité et transformation de la monnaie : la nature des crises monétaires " par Michel Aglietta, qui m’ont paru intéressantes pour aider à définir ce qu’est la monnaie.
« La monnaie ne présuppose pas l’existence préalable de
marchandises. Elle ne présuppose pas non plus l’existence d’individus autonomes
qui nouent entre eux des contrats. Elle n’est pas une créature de l’Etat. Notre
hypothèse est que la monnaie est un rapport d’appartenance des membres d’un
groupe social à ce groupe entier. Ce rapport est appelé confiance. Si tel est
le sens ultime de la monnaie, celle-ci est le ciment de société très diverses,
avec ou sans Etat, avec ou sans marchés. Mais les formes par lesquelles la
confiance s’exprime, se détériore et se reconstitue, sont profondément
hétérogènes selon les types de société dans lesquelles on étudie des événements
critiques »
« La frappe du métal par l’atelier monétaire a la même logique que
l’émission d’une banque centrale en contrepartie des titres qu’elle accepte.
Dans les deux cas, il s’agit d’une dette réciproque entre émetteur de monnaie
et le bénéficiaire qui est crédité de moyens de paiement en contrepartie des
avoirs qu’il a cédés. Dans les deux cas, l’institut d’émission peut tirer un
bénéfice appelé seigneuriage de cette opération. Le taux et le montant du
seigneuriage résultent d’une combinaison des besoins de l’Etat, de la
régulation de la monnaie en circulation et de la préférence pour la liquidité
des utilisateurs. »
« On sait que la théorie de l’économie pure s’est complètement
coupée des sciences sociales pour adopter une démarche purement normative. Ce
faisant, elle a abandonné le terrain scientifique. C’est sans doute dans
l’intelligibilité de la monnaie que le divorce est le plus complet. L’hypothèse
de la théorie économique, selon laquelle l’échange marchand est premier – la
monnaie procédant de l’échange pour en améliorer l’efficacité en réduisant les
coûts de transaction –, ne peut-être plus éloignée des connaissances accumulées
par l’anthropologie et par l’histoire »
« Les rapports de change entre monnaies sont devenus des relations
internationales »
« Puisque la monnaie est toujours lié à un système de dettes, et
qu’elle est elle-même une dette d’ordre supérieur, la confiance dans la monnaie
implique que la hiérarchie des dettes soit respectée »
« C’est (…) dans la mise en cause du lien de confiance que l’on
trouve la généralité des crises monétaires. C’est pourquoi elles sont aussi des
crises sociales et politiques. Elles rappellent que la monnaie fait société et
que l’Etat doit être légitime pour préserver les règles qui l’instituent. Aussi
diverses que soient les causes des crises, leur forme est toujours dans la
déflation ou l’inflation. Il en est ainsi parce que le pivot des relations
entre finance et monnaie est la liquidité. »
« (…) le déchaînement de l’individualisme porté par l’expansion
des marchés est le ferment d’une désagrégation des solidarités civiles sur
lesquelles se dressent les dictatures de tout poil »