Pour "comprendre l’empire", il faudra trouver autre chose !
Par RST le mercredi, 6 février 2013, 19:38 - Notes de lecture - Lien permanent
J’avais peur d’être séduit, de vendre mon âme au diable, à tel point que j’ai attendu qu’on me le prête pour lire "Comprendre l’empire" du sulfureux Alain Soral. D’une certaine manière, je suis rassuré. Au-delà du premier chapitre qui éclaire de manière originale le mythe de la Révolution française et ses conséquences – la prise du pouvoir par la bourgeoisie d’argent – le livre ne présente pas de grand intérêt, si ce n’est de décrédibiliser son auteur. En effet, son obsession complotiste l’oblige à constamment interpréter les faits de manière à les faire rentrer de force dans son cadre d’analyse, enlevant ainsi toute vraisemblance à sa prose qui, défaut rédhibitoire, est, hélas, de piètre qualité. Et il ne suffit pas de se poser en victime du système pour prétendre détenir la vérité absolue et s’affranchir de toute rigueur intellectuelle.
Je prendrai seulement trois exemples pour caractériser les procédés peu convaincants mis en oeuvre par l’auteur pour vendre sa soupe. Le premier concerne De Gaulle pour qui Soral a visiblement beaucoup de considération, au point, on y reviendra, de ne pas hésiter à le mettre sur le même plan que … Mahmoud Ahmadinejad, le Président Iranien. De Gaulle donc, qui aurait été chassé du pouvoir en mai 1968 – conséquence directe de la perversité machiavélique de l’Empire – ce qui aurait notamment permis ensuite à Georges Pompidou de mettre en place la fameuse loi de 1973 interdisant à l’Etat d’émettre sa monnaie. Manque de pot, on sait maintenant que la loi de 73 n’a pas vraiment eu cette conséquence et surtout, Soral fait peu de cas de la réalité : si il y a bien une chose sur laquelle tout le monde s’accorde c’est que De Gaulle n’a absolument pas été chassé, il s’est volontairement retiré après le référendum qu’il avait lui-même organisé, considérant que les résultats constituaient un désaveu de sa politique. Comment, dans ces conditions, peut-on prétendre proposer une analyse sérieuse alors qu’elle est bâtie sur un grossier travestissement des faits ?
Le deuxième exemple concerne le problème du réchauffement climatique que Soral considère comme une vaste arnaque ourdie par l’Amérique destinée à freiner le développement industriel de l’Inde et de la Chine et leur future suprématie économique mondiale. Bien que septique quant à la pertinence d’une telle analyse, on se garde de porter un jugement définitif et on attend avec impatience les arguments qui ne sauraient manquer d’être exposés pour obtenir sinon notre adhésion, tout au moins l’instillation du doute dans notre esprit. Et bien d’arguments, il n’ y en a point. Tout repose sur la dénonciation de cette supposée escroquerie scientifique par "les plus grands climatologues indépendants". Ils sont tellement indépendants ces climatologues, qu’on ne connaîtra pas leurs noms ! L’arnaque n’est visiblement pas là où veut nous faire croire qu’elle est !
Enfin troisième et dernier exemple, l’Iran et son président Mahmoud Ahmadinejad que Soral tient visiblement en grande estime, n’hésitant pas à le dépeindre comme le chantre de l’anti-impérialisme. Notre pamphlétaire ignore visiblement les pratiques en vigueur en Iran où, exemple parmi tant d’autres et pas des plus violents, un simple citoyen peut-être enlevé dans la rue, questionné au secret et relâché après avoir été menacé, au seul prétexte qu’il fréquente les occidentaux d’un peu trop près. Si le régime alternatif à l’Empire envisagé par Soral est un régime du type de celui en vigueur en Iran, il ne m’en voudra pas de préférer, malgré tous ses défauts, le régime actuellement en place dans nos pays. On peut – encore – y fréquenter des Iraniens sans pour autant se faire enlever !
C’était la première fois que je lisais un ouvrage de Soral dont les prises de position sur certains sujets ne m’avaient pas laissé indifférent. Ce sera aussi la dernière.