Mesange ou les limites de l’évaluation économique
Par RST le lundi, 18 décembre 2017, 19:18 - Macroéconomie - Lien permanent
En ce 13 décembre,
divers intervenants issus notamment de la DGTrésor, de l’Insee et
de diverses universités ont participé à un
colloque organisé par la DARES pour comprendre « la
dynamique relativement soutenue des salaires en France depuis la
crise économique de 2008, au regard du ralentissement de la
productivité et de la montée du chômage », dynamique qui
n’était pas forcément cohérente avec les résultats attendus
tels que décrits dans les théories en vigueur. Le citoyen que je
suis se réjouit d’avoir pu assister à ce colloque notamment parce
que j’ai pu voir de l’intérieur le fonctionnement de ces
organismes officiels dont les conclusions servent, si je ne m’abuse,
à orienter la politique économique du gouvernement. Et ce n’est
franchement pas rassurant !
Les premières
interventions ont présenté la modélisation macroéconomique et les
outils utilisés. Je suppose que la naïveté confondante avec
laquelle les oratrices ont reconnu les limites de l’exercice est
due à leur jeunesse, formellement revendiquée par l’excuse
d’« être trop jeune » pour répondre à l’une des
questions posées. Elles admettent en effet sans ambages que leurs
« outils ont un peu de mal à expliquer l’évolution la
plus récente des salaires depuis la crise » ou que
« Mésange
n’est pas forcément le meilleur outil pour comparer les données ».
Mais qu’à cela ne tienne, on a que ça et on va donc faire avec,
comme tout bon économiste orthodoxe qui se respecte, à qui on a
appris à faire coller la réalité à sa théorie et qui ne veut pas
perdre sa place. Et non seulement on va faire avec mais en plus,
quand il faudra calibrer, et bien, faute de mieux on prendra les
coefficients « trouvés dans la littérature »,
parce que, là encore, on n’a rien d’autre de disponible !
Ha, cette « littérature », combien de fois au cours de
la journée on fera appel à elle pour se rassurer et renforcer le
poids de démonstrations qui risqueraient sinon, de manière trop
flagrante, de ne pas paraitre assez solides !
Dans ces conditions, il
est assez difficile pour le profane d’accorder une crédibilité
quelconque à tous ces débats, très techniques au demeurant, et qui
donnent l’impression que l’on cherche désespérément à
maltraiter les diptères sauver ce qui peut l’être
d’une théorie que l’on sait bancale – comme la fameuse courbe
de Phillips qui « a été très utilisée, mais aussi très
critiquée car elle est basée sur une observation empirique, et il
manque des fondements théoriques » –mais sur
laquelle on se repose, à défaut d’autre chose, pour essayer
d’établir au forceps les liens que l’on imagine exister comme,
par exemple, entre « institutions du marché du travail »
et « rigidité des salaires ». Aucune conclusion
définitive ne pouvant être formulée, et en dépit des
contradictions flagrantes qui se font jour – par exemple le fait
que « la rigidité des salaires aux Etats-Unis est assez
élevée » malgré « une institution du marché du
travail assez flexible » – on se contente de finir sur
des résultats qu’on essaye de présenter de manière cohérente et
à partir desquels chacun trouvera vraisemblablement à boire et à
manger.
Et j’imagine que c’est comme cela qu’on en arrive à émettre des rapports considérant les soi-disant effets néfastes du salaire minimum alors que le simple bon sens permet de comprendre qu’il faut payer les gens suffisamment pour qu’ils puissent vivre de leur travail !