«Au caractère fractionnel des partis, qui les frappe d’infirmité, s’ajoute leur propre décadence. Celle-ci se cache encore sous la phraséologie. Mais la passion doctrinale, qui fut jadis la source, l’attrait, la grandeur des partis, ne saurait se maintenir intacte en cette époque de matérialisme indifférente aux idéaux. N’étant plus inspirés de principes, ni ambitieux de prosélytisme, faute de trouver audience sur ce terrain, ils vont inévitablement s’abaisser et se rétrécir jusqu’à devenir chacun la représentation d’une catégorie d’intérêts. Si le pouvoir retombe à leur discrétion, il est certain que leurs dirigeants, leurs délégués, leurs militants, se mueront en professionnels faisant carrière dans la politique.
La conquête des fonctions publiques, des postes d’influence, des emplois administratifs, absorbera désormais les partis, au point que leur activité se déploiera essentiellement dans ce qu’ils nomment la tactique et qui n’est que la pratique du compromis, parfois du reniement. Etant tous minoritaires, il leur faudra, pour accéder aux postes de commande, les partager avec leurs rivaux. D’où cette double conséquence que, vis-à-vis des citoyens, ils iront se démenant et se déconsidérant et que la juxtaposition constante, à l’intérieur du gouvernement, de groupes et d’hommes opposés ne pourra aboutir qu’à l’impuissance du pouvoir »
(…)
« Rien ne montrait plus clairement à quelle déformation du sens démocratique menait l’esprit des partis. Pour eux, la République devait être leur propriété, et le peuple n’existait, en tant que souverain, que pour déléguer ses droits et jusqu’à son libre arbitre aux hommes qu’ils lui désignaient. D’autre part, le souci – dont j’étais moi-même pénétré – d’assurer au pouvoir l’autorité et l’efficacité heurtait au fond, leur nature. Que l’Etat fût faible, c’est à quoi, d’instinct, ils tendaient, afin de mieux le manier et d’y conquérir plus aisément, non point tant les moyens d’agir, que les fonctions et les influences »

Le régime actuel – qui d’ailleurs, selon Wikipédia (on a les références qu’on peut), est semi-présidentiel – a certes des inconvénients qu’il ne serait pas raisonnable de nier. Mais certainement pas autant que celui qu’on nous propose de remettre en vigueur et qui en France, a fait la preuve de son inefficacité la plus totale, nous conduisant d’ailleurs au désastre d’une guerre mondiale. Le monde a changé et notre société avec. Il est certainement nécessaire de faire évoluer nos institutions, mais il faut pour cela tenir compte des leçons du passé afin d’éviter que, sous prétexte de changer les choses, nous ne fassions que régresser en reproduisant les mêmes erreurs. L’une d’entre elle, soit dit en passant, étant d’ailleurs de refuser de considérer comme une hypothèse plausible que le Front National reste un parti dangereux – ce à quoi, aucun changement de régime ne palliera. Mais c’est une autre histoire qui mériterait d’être développée par ailleurs. Une autre erreur serait de croire que ce qui peut marcher pour d’autres, devrait nécessairement fonctionner chez nous, peuple régicide !

Pour conclure, il me parait raisonnable de dire que remplacer un pouvoir incompétent par un pouvoir impuissant n’est certainement pas la solution pour la France. D’autant plus que dans le cas de l’incompétence, elle n’est que conjoncturelle tandis que l’impuissance sera elle, structurelle !