« Il n’est sans doute pas fortuit que Marx lui ait [à la division du travail] consacré toute son attention politique – et pas seulement d’économiste. Il y a en ce sens matière à déplorer celles de ses lectures trop rapides qui ont voulu situer la question des rapports de pouvoir capitalistes dans l’orbite exclusive du régime de propriété des moyens de production en oubliant la division du travail dont les effets puissamment structurants sont pourtant marqués aussi bien dans L’Idéologie allemande que dans Le Capital. Qui niera que la propriété privée du capital a des effets ? Mais ces effets sont asymétriques, plus exactement revenir sur la propriété privée a le caractère d’une condition nécessaire mais pas suffisante – la propriété intégralement étatique des moyens de production en URSS a-t-elle changé quoi que ce soit aux rapports sociaux de production ? Lénine n’hésitait pas à reconnaître dans le fordisme naissant un modèle d’organisation industrielle, quant à l’expérience des soviets, elle n’aura pas duré un an…C’est la division du travail, explique Marx, qui sécrète endogènement du pouvoir, et ceci du seul fait de réserver à certaines de ses places les tâches particulières de la coordination ou de la synthèse-totalisation d’information dont les autres producteurs n’ont qu’une vue parcellaire – et le pouvoir naît de ces asymétries fonctionnelles et informationnelles. »

Voila donc résumé en quelques mots, la réalité du monde du travail. Mon chef est mon chef parce qu’il a, on peut le supposer, certaines qualités, mais surtout parce qu’il dispose de l’information que moi je n’ai pas et qui lui permet d’agir et de prendre des décisions en toute connaissance de cause. A côté des grandes théories managériales qui préconisent le partage de l’information le plus large possible pour assurer le succès de l’entreprise, il y a la pratique du terrain qui voit une lutte acharnée entre les différents protagonistes pour sa maitrise afin d’acquérir et de conserver le pouvoir.