A sa lecture, on comprend mieux pourquoi Daniel Cordier a, pendant si longtemps, semblé fuir son passé lié à la Résistance, lui qui ne voulait pas ressembler à ces anciens combattants de la Grande Guerre, ressassant leurs exploits. On constate, malgré ce qu’il a démontré pendant l’occupation, qu’il ne s’est jamais vraiment remis de ce qu’il considère comme une honte, son antisémitisme initial, pur produit de l’atavisme familial. On y découvre aussi les motivations d’un homme, témoin privilégié d’une époque dont il s’est fait l’historien reconnu – un historien intransigeant, se méfiant des témoignages et donnant la priorité aux documents – pour laver l’honneur de celui qui a tant compté pour lui, Jean Moulin – « si je n’avais pas défendu la mémoire de Moulin, j’aurais trahi la confiance d’un homme qui m’avait accordé la sienne alors que je n’étais rien » – mais aussi pour rendre justice à tous ses camarades, « ces jeunes garçons quittant leur collège ou leur lycée pour s’engager à Londres avec de Gaulle, et dont les noms sont aujourd’hui oubliés ». On partage aussi les regrets d’un être complexe qui, ayant brutalement rompu le contact avec ceux qui avaient travaillé à ses côtés, et accessoirement risqué leur vie, ne fuit plus désormais les cérémonies du souvenir afin d’honorer la mémoire de ses pairs. Un homme enfin qui considère que notre pays a cessé d’exister le 17 juin 1940 et que « La France du général de Gaulle était le rêve d’un géant pour un peuple de nains ».

Dans le dernier chapitre du livre, Daniel Cordier s’interroge sur le regain d’intérêt qu’il observe depuis quelques années sur ce « lointain passé ». Il propose une explication qu’il qualifie de « simple » : « les témoins disparaissent et l’on souhaite recueillir leur parole quand il est encore temps ». N’est-ce vraiment que cela ? N’est-ce pas trop « simple », voire simpliste ? N’y aurait-il pas aussi le souhait de la part de certains de trouver, en s’inspirant de l’exemple des héros de la France Libre, la force et la détermination pour affronter les périls qui se dressent devant nous, d’inventer une nouvelle forme de résistance face à la dictature qui se met en place, celle de la finance mondialisée dirigée par des banquiers internationaux sans foi ni loi ni patrie, assistés par les collabos qui nous gouvernent ?