L’argent, ce n’est pas compliqué

« La plupart des discussions sur la monnaie s’enferment dans une épaisse gangue d’incantation et de prêchi-prêcha. Souvent de propos délibéré. Ceux qui parlent d’argent ou en font le sujet de leur enseignement et donc leur gagne-pain tirent prestige, estime et avantages pécuniaires, comme les médecins ou les sorciers, de la croyance soigneusement cultivée qu’ils entretiennent une association privilégiée avec l’occulte — qu’ils ont des perspectives sur un domaine totalement inaccessible aux gens ordinaires. Source de satisfaction professionnelle et, à l’occasion, de profit personnel, cette attitude n’en constitue pas moins elle aussi une escroquerie bien connue. Il n’est rien, s’agissant de l’argent, qu’une personne dotée d’une curiosité, d’un zèle et d’une intelligence raisonnable ne puisse comprendre. Et quelles que soient les erreurs d’interprétation ou de fait que la présente histoire puisse contenir, il n’en est aucune, le lecteur peut s’en persuader, qui procède d’une simplification outrancière. L’étude de la monnaie est, par excellence, le domaine de l’économie dans lequel la complexité est utilisée pour déguiser la vérité et non pour la révéler. La plupart des choses de la vie — automobiles, maîtresses, cancer — comptent surtout pour ceux qui les ont. L’argent au contraire est aussi important pour ceux qui en ont que pour ceux qui n’en ont pas. C’est pourquoi les uns comme les autres ont intérêt à le comprendre. Et les uns comme les autres devraient savoir que cette compréhension est parfaitement à leur portée.»

(John Kenneth Galbraith, « L’argent »)


Obligation et monnaie

Pourquoi donc autoriser des émissions d’obligations par exemple, en s’adressant aux “faiseurs d’argent” (les banques commerciales privées) et s’endetter auprès d’elles, plutôt que d’émettre directement l’argent nécessaire à très peu de frais tel que le droit régalien l’autorise aux pouvoirs sensés représenter la société dans son ensemble, autrement dit l’État. Voici une remarque on ne peut juste de Thomas Edison, prolifique et célèbre inventeur, esprit fécond s’il en est, je l’ai déjà cité dans le blog: «Il est absurde de dire que notre pays peut émettre 30 millions $ en obligations, et pas 30 millions $ en monnaie. Les deux sont des promesses de payer, mais l’un engraisse les usuriers, et l’autre aiderait le peuple


Masse monétaire

Oui les banques prêtent bien l’argent des épargnants, mais d’où vient l’argent épargné ? D’une mosaïque de crédits en amont. Ce qui est trompeur, bien sûr, c’est que l’épargnant n’est pas en règle générale celui qui a emprunté. Il faut considérer les choses globalement. Pour donner une image il faut se représenter le système comme un bassin (la masse monétaire « existante » dans la société) alimenté d’un côté par un robinet d’eau (le crédit consenti à la société), et une évacuation au fond (le remboursement des crédits). Le niveau de l’eau dans le bassin dépend du rapport qui existe entre le débit d’alimentation et celui de l’évacuation. Quand je regarde les choses du pas de ma porte, j’ai l’impression que l’argent existe, car manifestement il y a « de l’eau dans le bassin » ; mais je ne perçois pas qu’il s’agit d’un flux en perpétuel mouvement. S’il n’y avait pas de nouvelles demandes de crédits, le niveau de la masse monétaire baisserait au fil des remboursements effectués. Alors oui, ce sont bien les gens qui sont à l’origine du processus de création monétaire par la demande de crédit, mais ce sont bien les banquiers qui, ayant seul le pouvoir de créer le signe monétaire sous forme d’écriture comptable, consentent les crédits et ont la main mise sur l’alimentation et l’évacuation.


Ex nihilo

Ceux qui comprennent que qualifier la création monétaire de “ex nihilo” veut dire qu’un banquier peut se lever le matin en décidant qu’il va créer dix millions d’euros, nous comprennent mal. Tout le monde sait bien que pour prêter il faut trouver un emprunteur. Notre banquier va donc tout au plus pouvoir se dire “ aujourd’hui, je vais m’efforcer de placer 10 millions d’emprunts”. Il faut donc reconnaître que le “ex nihilo” peut prêter à confusion, à beaucoup de confusion. Que diriez-vous d’une formulation qui pourrait être : “ la Banque crée de la monnaie scripturale par le crédit, sans recourir directement à aucune autre monnaie préexistante mais simplement sur l’engagement de l’emprunteur à rembourser le capital et à payer les intérêts convenus. Le remboursement du capital et l’acquittement des intérêts donne lieu à destruction monétaire équivalente, c’est à dire supérieure au capital reçu”. Je précise que l’adverbe “directement” est utilisé ici pour rappeler que l’attribution d’un crédit reste toujours soumise à des contraintes en matière de monnaie centrale (M0) du fait de l’obligation de fournir des espèces et de respecter les Réserves Obligatoires, ainsi que, plus généralement, les Règles Prudentielles actuellement répertoriées, je crois, sous le nom de Bäle II.

 

Euro-valeur et euro-monnaie

Bien distinguer la monnaie et la finance ; celle-ci se nourrit de celle-là mais ne s’y réduit pas. X euros-monnaie valent X euros-valeur, mais X euros-valeurs ne sont pas X euros-monnaie. Les euros-monnaie existent en vertu d’une convention sociale ; les euros-valeur sont une appréciation individuelle plus ou moins partagée (le marché) de la valeur d’un bien ou d’un service à un moment donné. Cette appréciation estime le nombre d’euros-monnaie contre lesquels je peux espérer les échanger.


Crédit mutuel

Distinguer le concept de “crédit mutuel” dans lequel un épargnant prête son épargne et le concept de “crédit créateur de monnaie” qui ne préjuge d’aucune épargne préalable mais est soumis à certaines contraintes.


Destruction monétaire

Ainsi les banques font des crédits créateurs de monnaie et encaissent les intérêts correspondants. Certes, mais du point de vue comptable, les banques n’encaissent jamais d’intérêts ni d’ailleurs de capitaux remboursés : elles détruisent la monnaie correspondante. Ceci améliore directement leur bilan, puisque les dépôts de leur clientèle y apparaissent comme des dettes. A la démonétisation des dettes, il faut associer la monétisation des actifs. Une banque qui acquiert un lot de titres financiers et les porte à l’actif de son bilan, inscrit la même montant au passif en dépôt à vue sur le compte du vendeur. Son bilan reste donc équilibré ; elle ne s’est aucunement enrichie. Bien entendu, à ce compte, n’importe quelle banque pourrait se payer le monde entier. Il y a donc des contraintes : en gros, la banque ne peut acquérir que des actifs “en rapport “ avec ses fonds propres. Ce sont les fameuses Règles Prudentielles.


Multiplicateur

Il y en a sur ce blog qui ont du mal à comprendre que le système bancaire, dans son ensemble, crée - si on se limite à la création par le crédit - non pas 49 fois, mais environ 6 fois la monnaie centrale qu’accorde la Banque Centrale (ou que le système bancaire lui impose), même avec une obligation de réserve obligatoires (fractionnaires) aussi faible que de 2%, parce que ceux qui débattent de ce sujet oublient d’intégrer la demande de billets (monnaie centrale) dans leurs calculs (pourquoi pensez-vous que les banques poussent à l’utilisation des moyens de payement électroniques ?).

La formule du multiplicateur de crédit du système bancaire (et non pas d’une banque isolée) est:

k = 1 / b + h (1-b) avec b, coefficient de fuite sous forme de billets, et h le coefficient de fuite des réserves obligatoires. Sachant que dans la zone euro b = 15% et h = 2%, le système bancaire ne peut multiplier le crédit qu’au maximum 5,48 fois. Si b était de 0 (pas de monnaie fiduciaire), k serait bien de 50 … mais évidemment les banques disposent d’autres techniques de monétisation supplémentaires… (achat d’obligation ou de titre, achat pour le compte propre de la banque).


Le banquier crée de la monnaie… mais il ne le sait  pas !

Ce même directeur de banque, un spécialiste financier de haut niveau, nous écrivait aussi, quelque temps auparavant :

1) il n’y a pas un banquier qui vous dira qu’il crée de la monnaie, car… il ne le sait pas (sauf s’il a été un bon élève de l’IEP ou des facs d’Éco, et encore…)

2) le banquier de base (agences du réseau) vous dira plutôt qu’il se bat tous les jours pour attirer de nouveaux clients et donc de nouveaux dépôts…

3) il n’y a aucun “complot” dans cette attitude, aucune “omerta”, car il n’y a aucun besoin de connaître le processus de création monétaire pour être un bon banquier (il vaut bien mieux être un bon analyste financier pour évaluer les risques liés au crédit).

 

Déficit

Arrêter de creuser le déficit? Trois solutions: diminuer le service public (on commence par quoi?), augmenter les impôts (on commence par qui?), emprunter à l’émetteur de monnaie centrale (la BCE) de telle manière à ce que les intérêts soient comptablement “absorbés”) (on les paye et ils nous reviennent).

 

Comptabilité nationale

Les dépenses d’investissement comprennent la formation brute de capital fixe (Écoles, hôpitaux, infrastructures de transport et de communication, l’acquisition de terrains, etc.) et représentent 3,3% du PIB en 2005 soit 56 G€ (milliards d’euros). Comme le budget de l’Etat est de # 330 G€, le taux de FBCF est de 17% du budget, et incidemment plus que le “déficit” qui est en 2005 de 46,9 G€.
Si l’Etat tenait une comptabilité d’entreprise, en face de ce “déficit d’exploitation” de 46,9 G€ il y aurait bien une création de capital (de valeur) de 56 G€, et cette “entreprise” (l’Etat) paraitrait tout à fait saine, étant capable d’investir 17% de son budget pour développer son attractivité. On peut souligner que ces équipements vont servir aux générations futures et il n’est donc pas anormal qu’elles participent également au remboursement de cette dette.

 

Compensation et monnaie banque centrale

Cela n’a pas de sens de dire que la COMPENSATION s’effectue en monnaie banque centrale. Comme en n’importe quelle autre monnaie d’ailleurs. Puisque la compensation est précisément l’opération qui annule les soldes de même montant (et même signe) dans les comptes des agents pris deux à deux. Cette opération n’a besoin d’aucune monnaie, et justement elle consiste à minimiser les échanges matériels (par contre, il lui faut, disons, un agent assermenté pour la traiter et l’ordonner, voire pour prendre sur elle les dettes de chaque abonné dans l’intervalle).

Il est juste de dire, par contre, que le RÈGLEMENT après compensation des soldes des comptes des banques commerciales à la BC s’effectue en monnaie centrale.

 

Dépôts à vue (1)

Cette discussion sur le fait que les banques prêtent ou non à d’autres les dépôts à vue (par opposition aux dépôts sur compte d’épargne) me semble surréaliste. Les DAV sont — à 100% — de la monnaie scripturale. Qu’ils soient couverts, pour 1 / 16 environ, par de la monnaie fiduciaire, ne signifie pas que celle-ci soit immobilisée pour chaque compte, dans une proportion fixe. Un DAV est une créance d’un client sur sa banque. Cela signifie que celui-ci que ce dernier peut, à la demande, retirer tant de billets à sa banque. Cela ne veut pas dire que ces billets sont quelque part sur son compte avant qu’il l’ait demandé. En permanence, le solde de mon compte courant reste le même si je ne fais pas, moi-même, d’opérations de virement ou de dépôt. Le contraire vous arriverait, vous ne vous poseriez pas la question et iriez porter plainte. Bref, les banques ne prêtent pas à d’autres clients le “contenu” des DAV d’un client, simplement parce que cela ne leur servirait à rien et ça n’aurait même aucun sens.

 

Dépôts à vue (2)

Il apparait donc que les dépôts à vue sont comptabilisés dans les mêmes postes que les dépôts à terme et d’épargne. Ces derniers peuvent être prêtés (c’est le rôle d’intermédiaire financier d’une banque), alors que les dépôts à vue (propriété des déposants qui n’a pas fait l’objet d’un contrat de mise à disposition à la banque) ne peuvent l’être, bien qu’il faille considérer que l’existence de ces dépôts à vue soit nécessaire pour l’équilibre comptable de la banque. Je pense qu’ainsi tout le monde peut se “retrouver”.

 

Non

Non, les banques ne prêtent pas les dépôts, elles émettent des créances monétaires et espèrent que les autres fassent de même pour que les compensations se réalisent sans monnaie centrale.

 

Une banque, des banques, …

Si comme vous le dites la cupidité et le désir de pouvoir sont de puissants moteurs de l’activité humaine, je préfère alors DES banques , qui au moins sont en oppositions entre elles et de ce fait seront moins virulentes dans leurs intentions, à UNE SEULE banque , qui serait totalement entre les mains de l’Etat (Organisme qui veut mon bien, certes, mais qui est capable de me flatter dans mes pires faiblesses en régime démocratique ou de me priver de ma liberté en régime autoritaire , dans le but affiché de me servir , et celui non avoué de conserver à la même caste , son pouvoir). Mieux encore : DES banques et UNE super Banque Indépendante : un vieux reflexe sur la séparation des pouvoirs de républicain ayant les pieds chez Montesquieu (Et bien sûr une règle du jeu et une mission claire … pouvant être révisées démocratiquement).Ce système nous coûte ? Aucun système n’est parfait et la préservation de la Liberté acquise n’a pas de prix. De toute façon l’important ce n’est pas l’instance qui introduit le signe monétaire qui, comme toute instance, est corruptible, mais la règle du jeu, la façon d’introduire et de détruire ces signes monétaires afin que personne , ni personne physique, ni groupe de pression, ni états , ne puisse en tirer un avantage en terme de richesse et de pouvoir.