Humiliation
Par RST le jeudi, 15 janvier 2015, 22:47 - Politique - Lien permanent
Humiliation et frustration sont-elles les deux mamelles du terrorisme? C’est, résumé de manière lapidaire, la théorie développée par Dominique Moïsi dans le cadre de la conférence sur le Moyen-Orient organisée le 14 janvier par la fondation Paris-Dauphine. Le conseiller spécial de l'IFRI et Professeur au King's College de Londres a introduit son intervention en précisant que les circonstances tragiques récentes l’avaient amené à abandonner les notes qu’il avait initialement préparées pour donner libre cours à son inspiration et mettre en relation les évènements de ces derniers jours et leurs fondements historique, géographique et émotionnel. Je n’ai personnellement pas regretté cette liberté que D.Moïsi a prise avec la préparation de son exposé car ce dernier fut particulièrement intéressant.
Je ne vais pas reprendre ici dans le détail l’argumentation présentée qui remonte aussi loin que 1453 et la chute de Constantinople, dernière grande victoire du monde islamique entamant ensuite, alors que débute la Renaissance en Europe, son long mouvement de déclin. Se développe alors un sentiment d’humiliation qui se renforce ensuite au cours de l’histoire avec notamment la naissance de l’état d’Israël, la Guerre des Six Jours ou l’échec des printemps arabes. Ce dernier voit naitre une interrogation profonde : pourquoi ça ne marche pas chez nous ? L’occident, qui a joué avec cette région du monde pendant des siècles, et continue de le faire aujourd’hui, n’est pas, loin s’en faut, exempt de toute responsabilité dans ce constat.
Je ne développerai
pas plus la question, très sensible, des responsabilités, pour m’intéresser
plus particulièrement à la notion d’humiliation qui, selon D.Moïsi, est vécue
de manière collective par le monde arabe – les iraniens ou les turcs par
exemple étant beaucoup moins affectés – et qui, combinée à la frustration
individuelle de certains fanatiques, produit un mélange détonnant avec les
conséquences monstrueuses que l’on connait. Cette humiliation qui, on l’a vu, trouve
son origine plusieurs siècles en arrière, est un sujet toujours terriblement d’actualité
et dont on doit tenir compte pour essayer de comprendre ce qui s’est passé le 7
janvier. C’est, d’une certaine manière, ce que fait olivier Berruyer dans le dernier billet publié sur
le blog Les-Crises.fr dans lequel il écrit notamment : « (…) on a des caricatures qui ont déclenché
une haine très forte dans le monde musulman, mais personne n’accepte de
reconnaitre que c’était une incitation à la haine (…) » Quelle est
l’origine de cette haine, sinon l’humiliation ? Si l’on considère, et
c’est mon cas, que l’humiliation ressentie fait partie intégrante du problème, et
que, y mettre un terme fait partie de la solution, on ne peut qu’être inquiet
quant à la possibilité que cela advienne un jour. Car qu’avons-nous dans le
« camp du bien » autoproclamé, admirablement représenté par cette $$!!@#@!# de Nathalie
Saint Cricq, grande prêtresse de la politique sur France 2, qui propose de repérer,
traiter, désintégrer d’intégrer, ou de réintégrer ceux qui revendiquent
de « ne pas être Charlie » ? Des individus bien décrits
par O.Berruyer comme des «des athées intégristes, proches d’une forme de nihilisme,
voulant convertir les autres à leur non-religion, comme d’autres extrémistes
veulent convertir à leur religion… » ou bien des ayatollahs de la
liberté d’expression qui substituent à la liberté de blasphémer, l’obligation de
le faire.
Il n’y a pas de réponse simple ou manichéenne à donner à ce qui vient d’arriver nous dit Dominique Moïsi mais la première chose à faire est de comprendre. Si l’on s’en tient aux réactions de nos élites politiques et médiatiques, ce n’est pas gagné !