On peut pleurer de tout, mais pas avec n’importe qui
Par RST le mardi, 13 janvier 2015, 21:31 - Politique - Lien permanent
Alors que, suite aux
carnages récents, je me sens totalement désemparé par les prises de position de
certains – notamment dans "mon propre camp" – appelant sans état
d’âme apparent à
la proclamation d’un autre état, d’urgence celui-là, j’ai eu besoin de
procéder à un retour aux sources en allant me replonger dans ce qui fut au
commencement de ma vie de militant: la gauche de gauche. J’ai donc assisté à la soirée « La
dissidence, pas le silence ! », organisée hier soir par le journal Fakir à
la Bourse du travail. J’y ai retrouvé avec plaisir cette gauche que j’aime mais
aussi … celle que je n’aime pas !
Ça a commencé en
musique avec une fanfare endiablée venue chauffer la salle où s’entassaient environ
cinq cent personnes selon mon décompte, les organisateurs nous ayant informé
que tout le monde n’avait pas pu rentrer. Un succès donc, du point de vue de la
mobilisation. L’introduction fut faite par le journaliste François Ruffin,
membre de la gauche que j’aime. Il s’est exprimé sobrement, soulignant le
malaise qu’il ressentait face à l’unanimisme imposé, au nom de la liberté
d’expression, pour rendre hommage aux caricaturistes de Charlie Hebdo, s’interrogeant sur le fait
de savoir si tout cela n’était pas en fait qu’un gigantesque apéro
Facebook !
Je passe rapidement
sur l’intervention suivante, celle d’Emmanuel Vire, secrétaire général du
Syndicat national des journalistes CGT, qui nous a notamment expliqué
l’organisation de ce qu’il a appelé « la manip de la manifestation du 11
janvier ». Il l’a vécu de l’intérieur, côtoyant à cette occasion – ce
qu’il n’aurait jamais cru possible, n’eussent été ces circonstances
particulières – un certain Brice Hortefeux venu rappeler que des policiers
aussi avaient été tués.
Ce fut ensuite à
Fréderic Lordon de s’exprimer. Je vous laisse deviner dans quel type de gauche
je le classe. Si, à cause de son style bien particulier, ses premiers mots
m’ont fait craindre le pire, il s’est ensuite montré brillant comme à son
habitude. Vous pourrez le constater en lisant le texte de
son intervention. Aux deux citations qui ont retenu mon attention en direct
lors de la prise de parole de celui qui, d’entrée de jeu, signalait qu’il avait
de violents désaccords politiques avec Charlie Hebdo, citations que je vous
propose ci-après: « Défendre la
liberté d’expression n’implique pas d’endosser l’expression de ceux dont on
défend la liberté » et « La
masse unie est tendanciellement apolitique ou alors c’est la révolution »,
je rajouterai celle-ci, repérée après relecture du texte : « il se pourrait que les cortèges d’hier aient
surtout vu la bourgeoisie éduquée contempler ses propres puissances et
s’abandonner au ravissement d’elle-même. Il n’est pas certain cependant que
ceci fasse un "pays", ou même un " peuple" ».
La gauche que
j’aime a alors fait place à celle que j’exècre en la personne d’une furie
blonde ressemblant vaguement à Marine Le Pen avec qui elle partage visiblement la
caractéristique d’être bas du front, national pour l’une, de gauche pour
l’autre. Danielle Simonnet, du Front de
Gauche donc, a démontré sa capacité à hurler dans un micro en vomissant son
anticléricalisme primaire et en débitant des âneries aussi affligeantes que
cette affirmation selon laquelle « l’unité
nationale sert à diviser ». Mais ce n’était rien par rapport à ce qui
allait suivre, à savoir Gérard Mordillat. Le romancier et cinéaste tint un
discours violemment anticlérical dans lequel il s’employa à démontrer
l’indémontrable, à savoir que le prophète n’étant pas celui que les musulmans
croyaient qu’il était et les caricatures, contrairement à ce que tout le monde
pensait n’étant pas des caricatures mais des portraits imaginaires, on ne pouvait
conséquemment pas parler d’insultes. Comme me l’a fait remarquer, outré, le
sympathique jeune homme assis à côté de moi qui se revendiquait athée mais s’avouait
néanmoins choqué par ces propos, selon Mordillat, on n’a pas le droit de sentir
offensé ! C’est donc ça, la liberté d’expression selon le cinéaste : la
liberté de se faire insulter sans rien dire. Pour lui, et en reprenant ses
propres mots, le seul respect que l’on doive aux religions est le respect au
sens étymologique du terme, à savoir tenir à distance et il n’y a pas de
provocation mais juste l’expression de l’esprit critique ! Autant de
mauvaise foi – sans jeux de mots – et d’arguments spécieux me laisse sans voix.
Je terminerai ce billet sur une note humoristique avec la dernière intervention à laquelle j’ai assisté avant de m’éclipser, celle de Julien Salingues d’ACRIMED, à qui je dois le titre de ce billet. Reprenant la revendication de Danielle Simonnet, qui n’était plus à un paradoxe près, d’accorder la Légion d’Honneur au pigeon qui avait chié sur François Hollande pendant la manifestation, il a déclaré : « La Légion d’Honneur pour le pigeon ? Pourquoi pas. Ce qui serait extraordinaire c’est qu’il la refuse ! »