Ça a commencé en musique avec une fanfare endiablée venue chauffer la salle où s’entassaient environ cinq cent personnes selon mon décompte, les organisateurs nous ayant informé que tout le monde n’avait pas pu rentrer. Un succès donc, du point de vue de la mobilisation. L’introduction fut faite par le journaliste François Ruffin, membre de la gauche que j’aime. Il s’est exprimé sobrement, soulignant le malaise qu’il ressentait face à l’unanimisme imposé, au nom de la liberté d’expression, pour rendre hommage aux caricaturistes  de Charlie Hebdo, s’interrogeant sur le fait de savoir si tout cela n’était pas en fait qu’un gigantesque apéro Facebook !
Je passe rapidement sur l’intervention suivante, celle d’Emmanuel Vire, secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT, qui nous a notamment expliqué l’organisation de ce qu’il a appelé « la manip de la manifestation du 11 janvier ». Il l’a vécu de l’intérieur, côtoyant à cette occasion – ce qu’il n’aurait jamais cru possible, n’eussent été ces circonstances particulières – un certain Brice Hortefeux venu rappeler que des policiers aussi avaient été tués.
Ce fut ensuite à Fréderic Lordon de s’exprimer. Je vous laisse deviner dans quel type de gauche je le classe. Si, à cause de son style bien particulier, ses premiers mots m’ont fait craindre le pire, il s’est ensuite montré brillant comme à son habitude. Vous pourrez le constater en lisant le texte de son intervention. Aux deux citations qui ont retenu mon attention en direct lors de la prise de parole de celui qui, d’entrée de jeu, signalait qu’il avait de violents désaccords politiques avec Charlie Hebdo, citations que je vous propose ci-après: « Défendre la liberté d’expression n’implique pas d’endosser l’expression de ceux dont on défend la liberté » et « La masse unie est tendanciellement apolitique ou alors c’est la révolution », je rajouterai celle-ci, repérée après relecture du texte : « il se pourrait que les cortèges d’hier aient surtout vu la bourgeoisie éduquée contempler ses propres puissances et s’abandonner au ravissement d’elle-même. Il n’est pas certain cependant que ceci fasse un "pays", ou même un " peuple" ».
La gauche que j’aime a alors fait place à celle que j’exècre en la personne d’une furie blonde ressemblant vaguement à Marine Le Pen avec qui elle partage visiblement la caractéristique d’être bas du front, national pour l’une, de gauche pour l’autre. Danielle  Simonnet, du Front de Gauche donc, a démontré sa capacité à hurler dans un micro en vomissant son anticléricalisme primaire et en débitant des âneries aussi affligeantes que cette affirmation selon laquelle « l’unité nationale sert à diviser ». Mais ce n’était rien par rapport à ce qui allait suivre, à savoir Gérard Mordillat. Le romancier et cinéaste tint un discours violemment anticlérical dans lequel il s’employa à démontrer l’indémontrable, à savoir que le prophète n’étant pas celui que les musulmans croyaient qu’il était et les caricatures, contrairement à ce que tout le monde pensait n’étant pas des caricatures mais des portraits imaginaires, on ne pouvait conséquemment pas parler d’insultes. Comme me l’a fait remarquer, outré, le sympathique jeune homme assis à côté de moi qui se revendiquait athée mais s’avouait néanmoins choqué par ces propos, selon Mordillat, on n’a pas le droit de sentir offensé ! C’est donc ça, la liberté d’expression selon le cinéaste : la liberté de se faire insulter sans rien dire. Pour lui, et en reprenant ses propres mots, le seul respect que l’on doive aux religions est le respect au sens étymologique du terme, à savoir tenir à distance et il n’y a pas de provocation mais juste l’expression de l’esprit critique ! Autant de mauvaise foi – sans jeux de mots – et d’arguments spécieux me laisse sans voix.

Je terminerai ce billet sur une note humoristique avec la dernière intervention à laquelle j’ai assisté avant de m’éclipser, celle de Julien Salingues d’ACRIMED, à qui je dois le titre de ce billet. Reprenant la revendication de Danielle Simonnet, qui n’était plus à un paradoxe près, d’accorder la Légion d’Honneur au pigeon qui avait chié sur François Hollande pendant la manifestation, il a déclaré : « La Légion d’Honneur pour le pigeon ? Pourquoi pas. Ce qui serait extraordinaire c’est qu’il la refuse ! »