La première de ces idées concerne la mondialisation. Pour Giraud si elle n’est pas directement responsable de la crise économique actuelle, elle l’a néanmoins nettement amplifié à travers les transformations de la finance qui a privilégié celle dite de marché par rapport à la finance bancaire intermédiée. Cela a donné lieu à  "une innovation financière débridée" et à la création de produits permettant aux acteurs financiers de capter les rendements en transférant les risques aux autres. On ne peut s’empêcher d’apercevoir, sous cette métaphore, les subprimes par exemple, sinon dans leur forme originelle – que certains économistes comme Aglietta estiment nécessaire – mais au moins dans leur forme "pervertie" de "subprime de subprime", les subprimes au carré voire au cube. Quant au rôle supposé de la globalisation dans la réduction des inégalités, Giraud reconnait qu’il est réel entre les pays émergents et les pays riches mais que cela s’est effectué  au prix d’une aggravation des inégalités au sein même des sociétés. Quand on vous dit que la mondialisation, dans sa forme actuelle, profite principalement  aux oligarchies apatrides !  Vous n’êtes pas convaincu ? Giraud lui, l’est : "on assiste à la constitution d'un petit nombre d'oligopoles mondiaux qui sont en train de tondre le salarié et le consommateur moyens au niveau mondial." Tout est dit !

Une deuxième idée forte et assez originale celle-là, concerne ce que Giraud appelle "une forme de protectionnisme stratégique".  Il consisterait à réorienter les mouvements de marchandises en ouvrant nos marchés à l’Afrique et en les fermant un peu aux pays émergents. Ce faisant, ces derniers seraient amenés à se recentrer sur leur propre marché intérieur mais aussi à délocaliser sur le continent Africain, lui faisant ainsi bénéficier de l’ouverture dont eux-mêmes ont bénéficié par le passé et qui a permis, dans une certaine mesure décrite ci-dessus, de réduire les inégalités. La situation ainsi créée ne pourra de toute façon difficilement être pire pour l’Afrique que l’actuelle.
A noter en revanche, que si Giraud recommande de contrôler les échanges de marchandises, il n’est pas favorable au contrôle des mouvements de capitaux car, selon lui, "on ne peut pas vraiment faire de tri entre les capitaux purement spéculatifs et les autres". Je me permettrai d’avoir ici un point de désaccord. Je ne sais pas comment faire pratiquement pour exercer ce contrôle mais il me parait néanmoins indispensable.

La troisième et dernière idée que j’ai retenue des propos du professeur d’économie à Mines Paris Tech est partagée par de nombreux économistes. Elle concerne le système bancaire. Partant du constat qu’il est vain de prétendre pouvoir se passer de la finance de marché et celle-ci étant "intrinsèquement instable", il faut "la cantonner pour éviter les dégâts collatéraux qu'elle peut infliger à la monnaie et au crédit, et donc à l'économie ". Cela passe par un retour, selon des modalités qui restent à déterminer, à des mesures de type Glass-Steagall Act "pour séparer clairement deux types de banques: les banques de dépôt et de crédit aux particuliers et aux entreprises, d'un coté, et les institutions agissant sur les marchés financiers, de l'autre" mais aussi par la création d’une sorte de service public du crédit.

En raison notamment de la puissance concentrée entre les mains de quelques "acteurs économiques globalisés" et malgré les divers sommets de type Pittsburgh ou Copenhague, la crise n’a donné lieu à aucun changement significatif et Giraud en prédit d’autres à venir. Pour lui, le vrai problème réside dans le fait que "les systèmes politiques restent nationaux alors que le système économique est mondial." Malgré cela, il se veut  néanmoins raisonnablement optimiste, en envisageant l’évolution du système économique au cours des 50 prochaines années avec notamment une importance plus grande dévolue à la "sphère de l’intervention publique […] par rapport à la sphère privée".  Puisse-t-il avoir raison et  puisse cela être suffisant !