La question de savoir s'il faut accepter de discuter avec Finkelkraut ou pas, c'est une question de moyens que l'on se donne pour parvenir à notre objectif. Savoir comment on fait pour arriver à changer le système. Faut-il que quelques "purs et durs" nous guident et le reste viendra ? Ou bien faut-il que chacun prenne conscience de sa part, en ayant entendu tous les points de vue, et que le mouvement soit réellement collectif (avec les 99% d'opprimés, droite ou gauche confondue) ?

Bon, si votre but c'est de faire un rassemblement sympa, entre gens gentils et espérer que le rapport de force va pencher en votre faveur, à mon avis vous vous mettez le doigt dans l'oeil. La force est du coté du système, avec une large avance. Les chances de réussite sont infimes si on reste entre nous (à moins d’être assez nombreux pour faire un système à coté, indépendant)
A mon avis, si on voulait réellement changer les choses, il faudrait rassembler le plus largement possible les contestataires pour fonder les bases d'un système réellement démocratique, sans préjuger du résultat, si ce n'est qu'il soit démocratique. C'est ça, être un démocrate. 
Alors oui, pourquoi pas accepter Philippo, Soral et Finkelkraut s'ils veulent participer. Laissez-les s'exprimer, comme tout le monde, pas plus ni moins. Pas en "guest star" ni en "diable absolu". Misons sur l'intelligence collective pour faire les bons choix. Il faut arrêter de croire que les toutes les idées d'une personne sont soit entièrement bonnes soit entièrement mauvaises. Et que si c'est un "facho", il va contaminer l'audience. C'est leur donner un pouvoir qu'ils n'ont pas. C'est une vision enfantine de la politique, avec les gentils contre les méchants (le "coté obscur de la force"). Le problème n'est pas l'opinion de telle ou telle personne, le problème c'est le cadre, le système qui favorise tel ou tel paradigme comme ça l'arrange. En nous divisant sur de faux débats.
On fait tous, individuellement, des erreurs, y compris et surtout quand on réfléchit et on imagine "l'ideal" (car les idéaux des uns est l'enfer des autres). L'intelligence collective c'est de penser qu'on peut se corriger mutuellement, et être ainsi plus intelligents collectivement qu'individuellement. Et donc capables de créer un système juste et égalitaire si et seulement si nous travaillons ensemble. 
En érigeant en horizon indépassable l'opposition gauche/droite vous maintenez le système, qui nous fait rentrer dans les cases qui l'arrangent. Gauche/droite, c'est fait pour fonctionner dans le cadre d'un système électoraliste présidentiel et parlementaire. Or, ce système n'est même pas démocratique. Nous n'en voulons plus. Nous ne sommes pas dans un système démocratique, c'est bien ça le problème. C'est la finance qui décide, pas "la droite" ou "la gauche". L'heure est trop grave pour se mettre des bâtons dans les roues. 
De plus, je pense que Lordon a tort de mettre sur le même plan la violence capitaliste et la violence raciste. Pas parce qu'il faudrait minimiser la violence raciste, mais parce que le racisme prospère à cause de la violence du capitalisme. Le racisme se base sur la misère, et se maintient grâce et pour le capitalisme. Dans un système plus juste, le racisme aurait beaucoup moins de poids. Le problème principal et primordial c'est la domination de l'oligarchie (fasciste), pas la potentielle reprise en main du pouvoir par d'autres fascistes, car précisément elle n'est que potentielle. Elle dépend de la solidité des bases de mouvement, et de sa capacité a produire une constitution qui empêche, justement, le fascisme. C'est ça l'objectif.
Il faut selon moi accepter que la priorité c'est de reprendre le pouvoir sur le système capitaliste financiarisé. Se rassembler, même avec Finkelkraut ou Soral, pour reprendre le pouvoir. Ceux qui ne veulent pas mettre en place un système démocratique sont nos ennemis, bien entendu. Mais tant qu'ils ne sont pas contre nous, il ne faut pas les exclure a priori. Et même si ce sont nos ennemis, il faut parler avec eux, et essayer de les convaincre, de trouver une voie qui nous avantage tous. Ça ne signifie absolument pas leur donner à eux le pouvoir (bien au contraire). Ça signifie accepter le fait que les ravages du capitalisme sont trop graves, et nous sommes trop faibles pour faire la fine bouche, et ne s'allier qu'avec les "purs et durs". Trouver un accord au dessus de nos divergences, pour l’intérêt général est nécessaire, sinon on risque de rester coincés.

le 22/04/2016 par Ignatius Reilly.