Fainéant comme je suis, je ne vais pas  faire ici un compte rendu exhaustif. Les organisateurs en ont promis un et, si j’ai bien compris, il devrait être de grande qualité à en juger par les commentaires de l’assistance sur les précédents comptes rendus. Je souhaiterais seulement souligner un point qui a été abordé par T.Piketty et qui me semble assez symptomatique du fonctionnement du monde dit moderne. Il concerne l’informatique et son utilisation intensive. Selon l’économiste, les fichiers informatiques sont actuellement très mal archivés par les différents services des ministères concernés. De plus, l’évolution du matériel rend aujourd’hui impossible l’exploitation d’informations précédemment stockées sur des bandes magnétiques que plus aucun appareil n’est capable de lire.  Tout cela donne lieu à une importante perte de qualité au niveau des statistiques. Ainsi incroyable que cela puisse paraitre, nous disposons aujourd’hui de moins d’information sur l’impôt sur les successions par exemple, que dans les années 60 où de nombreux documents papiers étaient publiés. Le même problème se pose avec l’impôt sur les grandes fortunes. Et là, je vous vois venir avec vos esprits mal orientés. Vous allez me dire que cela doit bien arranger un certain nombre de gens qui n’ont pas nécessairement intérêt à voir publier trop de statistiques risquant de mettre en évidence des tendances fort peu politiquement correctes concernant, par exemple,  l’évolution des inégalités. Et vous n’aurez pas forcément tort même si, selon Piketty, c’est bien une sorte d’illusion technique qui s’est emparée des différents acteurs à l’époque où l’informatique a fait son apparition. On imaginait alors que celle-ci permettrait tout  et l’on constate aujourd’hui qu’il n’en est rien. Et on s’y fait ! En effet, l’habitude aidant, on trouve maintenant normal de ne pas disposer d’informations qui seraient pourtant bien utiles, au-delà de toute polémique. Même la plus farouche volonté politique, lorsqu’elle est mise en branle pour tenter d’obtenir quelque progrès dans ce domaine, doit faire face à la dure réalité des contraintes techniques.

Certains prétendent que les archéologues du futur disposeront de moins d’informations sur notre époque que nous n’en avons aujourd’hui sur les millénaires précédents à cause de l’utilisation intensive de l’informatique et du numérique. Dans quelques centaines d’années (sinon dizaines), la plupart des bits et autres écritures électroniques auront été effacés de leurs supports. En supposant que ces supports survivent aux outrages du temps qui passe, il ne restera plus qu’à nos lointains descendants à s’interroger sur le probable usage de tous ces disques de plastique que nous leur laisserons en héritage. Quand on constate aujourd’hui que nous ne pouvons plus exploiter  les statistiques du siècle dernier et que toute demande d’informations remontant à plus de 5 ou 6 ans en arrière apparait comme une tâche irréalisable, le scénario décrit précédemment ne parait pas si improbable que cela.